Géorgie: bagarre au Parlement à propos de la loi sur les "agents de l'étranger"

La rédaction
16:5615/04/2024, Pazartesi
AFP
Un député de l'opposition donnant un coup de poing à la tête d'un législateur du parti au pouvoir, co-rédacteur du projet de loi, ce qui a provoqué une bagarre généralisée et la coupure de la retransmission en direct.
Crédit Photo : PARLIAMENT OF GEORGIA / AFP
Un député de l'opposition donnant un coup de poing à la tête d'un législateur du parti au pouvoir, co-rédacteur du projet de loi, ce qui a provoqué une bagarre généralisée et la coupure de la retransmission en direct.

Une bagarre entre députés a éclaté lundi au Parlement géorgien, qui débat de la réintroduction du projet de loi controversé sur les "agents de l'étranger", à l'origine de manifestations d'ampleur l'année dernière et jugé liberticide par ses détracteurs.

Le parti au pouvoir dans ce pays du Caucase, le Rêve géorgien, a annoncé début avril le retour de ce projet de loi dont une première mouture avait été abandonnée après des protestations ayant rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Tbilissi en mars 2023 pour dénoncer un texte s'inspirant de la législation russe visant les détracteurs du pouvoir.


Au moment où les débats ont commencé lundi au Parlement sur ce texte, plusieurs députés en sont venus aux mains en plein hémicycle.

Des images de la session parlementaire montrent un député de l'opposition donnant un coup de poing à la tête d'un législateur du parti au pouvoir, co-rédacteur du projet de loi, ce qui a provoqué une bagarre généralisée et la coupure de la retransmission en direct.



Dans la matinée, plusieurs dizaines de manifestants s'étaient rassemblés devant le Parlement pour déployer en signe de protestation un grand drapeau de l'Union européenne, que la Géorgie ambitionne à rejoindre. 


Un grand rassemblement est prévu dans la soirée contre ce texte inspiré d'une loi russe utilisée depuis des années par le Kremlin.

"Nous ne laisserons pas le Rêve géorgien gâcher la chance historique de la Géorgie de devenir membre de l'UE"
, a déclaré à l'AFP l'un des manifestants, Saba Gotoua, architecte de 48 ans.

La semaine dernière, environ 8.000 personnes avaient déjà manifesté contre le projet de loi à Tbilissi.


La Géorgie a l'ambition depuis des années d'approfondir ses relations avec les Occidentaux mais le parti au pouvoir est accusé de vouloir, au contraire, rapprocher cette ex-république soviétique de la Russie. Le retour de cette loi, critiquée par Bruxelles, risque de raviver de profondes divisions.


"Neutraliser l'influence occidentale"


Le texte obligerait les organisations recevant plus de 20% de leur financement de l'étranger à s'enregistrer sous le label infamant d'
"organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère",
sous peine d'amendes.

Ce label a été changé par rapport au terme
"agent d'influence étrangère"
de la première mouture de 2023.

Le pouvoir défend un projet de loi qui obligera les organisations à faire preuve de davantage de
"transparence"
sur leur financement. Les détracteurs du texte y voient, eux, un outil d'intimidation des ONG et médias indépendants.

Selon des experts interrogés par l'AFP, le parti au pouvoir, accusé de collaborer en secret avec le Kremlin, considère le financement de certaines ONG et médias par les Occidentaux comme un défi à sa mainmise sur le pays.

Le politologue Ghia Nodia souligne:


Le Rêve géorgien ne cache pas que la loi vise à neutraliser l'influence occidentale.

"Le parti ne cesse de dire qu'il dirige la Géorgie vers l'UE, mais en fait il sabote la voie européenne de la Géorgie",
qui est soutenue par environ 80 % de la population, selon des sondages d'opinion, dit-il.

Le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidzé, connu pour sa rhétorique anti-occidentale, se défend de tout sabotage du processus d'accession à l'UE, bien que Bruxelles ait réclamé l'abandon du texte.


En décembre, la Géorgie s'est vu accorder le statut officiel de candidat à l'adhésion, mais Tbilissi doit encore procéder à des réformes judiciaires et électorales, renforcer la liberté de la presse et réduire le pouvoir des oligarques avant que des négociations soient effectivement lancées.


Les États-Unis ont estimé la semaine dernière que l'adoption d'un tel texte ferait
"dérailler la Géorgie de son chemin européen".

Le retour du projet de loi au Parlement devrait également raviver les tensions entre le parti au pouvoir et la présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, farouche partisane du rapprochement avec l'UE.


En 2023, elle avait ouvertement soutenu les manifestants. Ses prérogatives sont cependant limitées.


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