Crédit Photo : ADEK BERRY / AFP
Le bâtiment où se trouve la société Beijing Sanshunda Electronics Science and Technology à Pékin, le 26 juillet 2024.
Des employés franchissent comme chaque matin les portes d'une discrète petite entreprise de Pékin, devenue la cible de sanctions américaines visant à couper ses liens présumés avec le programme d'armement de la Corée du Nord.
Le géant asiatique est le principal soutien diplomatique et commercial de Pyongyang. Selon des analystes, la Corée du Nord s'appuie ainsi sur des entreprises et banques chinoises pour renforcer ses capacités militaires et son économie moribonde.
Les Etats-Unis ont annoncé mercredi des sanctions visant six personnes et cinq entreprises en Chine. Elles sont accusées d'avoir aidé Pyongyang à obtenir des composants nécessaires aux programmes de missile balistique et spatial nord-coréens. Selon Washington, ces transactions sont
des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies qui visent à freiner le développement de l'arsenal nucléaire de la Corée du Nord.
La Chine assure appliquer scrupuleusement les sanctions de l'ONU, mais s'oppose régulièrement à celles,
et distinctes, imposées par les Etats-Unis. L'une des entreprises visées par Washington est Beijing Sanshunda Electronics Science and Technology, installée dans un parc d'activités du sud de la capitale chinoise. Le département américain au Trésor accuse Shi Qianpei, un Chinois, d'avoir utilisé cette compagnie pour fournir des articles illicites à Choe Chol Min, un agent nord-coréen basé à Pékin faisant partie d'un groupe chargé de concevoir les systèmes d'armement de Pyongyang.
Toujours selon Washington, le réseau de M. Shi a permis d'aider M. Choe à obtenir de l'
et des plaques de métal nécessaires à la production de missiles. Lorsque l'AFP s'est rendue cette semaine à Beijing Sanshunda, deux membres du personnel ont déclaré que Shi Qianpei était absent.
Ils ont démenti avoir connaissance d'un quelconque lien avec la Corée du Nord. A l'aide de registres publics d'entreprises, l'AFP a toutefois pu contacter Chen Tianxin, la représentante légale de l'entreprise. Le département américain au Trésor affirme que Mme Chen est l'épouse et l'associée de Shi Qianpei et qu'elle contribue également à fournir des articles à M. Choe. Au téléphone, elle a reconnu ses responsabilités légales vis-à-vis de l'entreprise, mais dément participer à ses activités quotidiennes.
"Je suis juste une femme au foyer ordinaire",
a-t-elle déclaré à l'AFP, avant de raccrocher sans fournir le numéro de téléphone de Shi Qianpei.
Un journaliste de l'AFP a laissé ses coordonnées à un employé de Beijing Sanshunda, au cas où d'autres dirigeants souhaiteraient commenter les sanctions américaines. Mais au lieu de ça, l'AFP a reçu un appel d'un homme se présentant comme un Nord-Coréen vivant à Pékin. Dans un chinois et un anglais approximatifs, il s'est décrit comme un
de Choe Chol Min et a proposé d'organiser une rencontre avec ce dernier. L'AFP a demandé une interview, mais l'homme a finalement déclaré le lendemain que M. Choe avait décliné l'offre.
Le département américain au Trésor a sanctionné l'année dernière Choe Chol Min et son épouse, laquelle, selon Washington, travaille à l'ambassade nord-coréenne à Pékin. La Chine est devenue
pour la Corée du Nord afin d'éviter les sanctions, affirme Joshua Stanton, un avocat basé aux États-Unis qui a contribué à l'élaboration de lois visant Pyongyang. Pékin
"couvre non seulement le blanchiment d'argent"
de la Corée du Nord, "mais aussi son trafic d'armes, son recours à la cybercriminalité, au travail forcé et à la prolifération" d'armes, assure M. Stanton.
Les échanges commerciaux bilatéraux, réduits au strict minimum pendant la pandémie, ont depuis largement repris, notamment dans les zones frontalières, a constaté l'AFP. De nombreux Nord-Coréens sont également employés en Chine dans des usines ou des restaurants. Une main-d'œuvre source de précieux revenus pour Pyongyang.
La Chine
"applique toujours consciencieusement les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et remplit ses obligations internationales"
, a assuré jeudi une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning. Mais "l'imposition de sanctions sans discernement ne peut résoudre les problèmes de la péninsule" coréenne, a-t-elle souligné, en réponse à une question de l'AFP. Han Dejian, patron de l'entreprise Yidatong Tianjin Metal Materials, également visée par Washington et qui produit des plaques métalliques, affirme à l'AFP n'avoir
affaire avec la Corée du Nord. Ses produits ne sont pas utilisés par Pyongyang pour fabriquer des missiles, assure-t-il.
"Nos plaques sont utilisées par des gens ordinaires pour construire des sols et des murs"
, insiste M. Han, ajoutant ne pas savoir
sont basées les accusations américaines.
Les sanctions américaines privent entreprises et individus visés d'accès au système financier mondial et gèlent leurs avoirs aux Etats-Unis. Des mesures à l'impact limité, estime Han Dejian, arguant que son entreprise n'exporte pas et n'a donc pas d'intérêts ou de comptes bancaires hors de Chine. Contactées, les ambassades des Etats-Unis et de Corée du Nord à Pékin n'ont pas répondu aux sollicitations de l'AFP.
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