Crédit photo: ALEXIS HUGUET / AFP
À Kinshasa, en République démocratique du Congo, les conflits fonciers, alimentés par une spéculation immobilière incontrôlée et une corruption endémique, entraînent fréquemment des expulsions de familles de leurs maisons, laissant de nombreuses personnes sans abri.
Ils arrivent en nombre, forcent l'entrée de la maison et la vident intégralement, jetant sur le trottoir meubles, électroménager, linge, vaisselle... Ce n'est pas un cambriolage, mais une expulsion, appelée
, menée par un huissier et la police de Kinshasa.
La scène n'est pas rare dans la capitale de la République démocratique du Congo, où les convoitises et querelles autour de parcelles et d'immeubles, souvent familiales et très anciennes, sont attisées par une spéculation foncière débridée et une corruption endémique.
Batailles entre héritiers, ventes illégales, bornages contestés, escroqueries...
"Il y a beaucoup de conflits fonciers à Kinshasa, des milliers !"
, lance Me Théo Sindani Kasita, avocat habitué de ces dossiers.
Ritha Mitwens, femme au foyer de 42 ans, a les larmes aux yeux en racontant comment elle et sa famille ont été "déguerpies" deux fois en six mois de leur appartement de Bandalungwa, dans le centre de la ville.
"La première fois c'était en mars"
, déclare-t-elle à l'AFP, devant son canapé et ses fauteuils de salon recouverts d'une bâche, entassés à un carrefour.
"On a passé quatre mois dehors. Le 29 juillet nous sommes retournés à la maison et le 1er septembre on nous a encore déguerpis"
.
"Nous avons pourtant un procès-verbal de réinstallation en bonne et due forme"
, poursuit-elle, tout comme elle affirme avoir acquis son appartement en toute légalité il y a 17 ans.
Le reste de ses affaires est stocké dans la cour d'une voisine, qui a eu pitié de Ritha, de son mari enseignant et de leur fils de 14 ans, qu'elle ne peut cependant pas loger faute de place.
, constate amèrement Ritha.
Elle ajoute qu'une grosse somme d'argent et divers objets - vestes, réchaud, téléphone portable, chaussures... - ont été volés pendant ce nouveau
, opération pour laquelle les huissiers font généralement appel à de jeunes déménageurs pour transporter les objets volumineux.
Au coin de la rue, Éric Tshiowa, fonctionnaire de 46 ans, est en revanche satisfait de la tournure des événements, puisqu'il a pris la place de la famille de Ritha dans son trois pièces, au rez-de-chaussée d'un petit immeuble de deux étages.
Il ne conteste pas que Ritha et son mari aient acheté cet appartement, mais, selon lui, le problème vient du fait que celui qui l'a vendu, un de ses oncles, n'en était pas le propriétaire.
"Tout le monde dans la rue sait que cette maison était à mon papa, je suis né ici"
, assure-t-il, au désespoir de Ritha qui n'en peut plus de cette bagarre aux incompréhensibles rebondissements.
Le mur de clôture en crépi gris foncé est barbouillé de plusieurs inscriptions manuscrites de différentes couleurs, laissées par les huissiers venus procéder aux expulsions et réinstallations qui se sont succédé ici.
À quelques rues de là, un portail porte une mise en garde à la peinture blanche très répandue à Kinshasa:
Cette parcelle n'est pas à vendre, attention aux escrocs.
Les conflits n'épargnent aucune des 24 communes de Kinshasa, les populaires comme la plus cossue, la Gombe.
L'Agence France-Presse, qui y loue une villa abritant son bureau et un logement de fonction, s'est elle-même retrouvée à la rue durant une journée en août, victime collatérale d'un conflit remontant à une vingtaine d'années.
Mobilier de bureau et effets personnels ont été sortis tôt le matin de la parcelle, que l'AFP a toutefois pu réintégrer dans les 24 heures après une procédure d'urgence des propriétaires auprès de l'Inspectorat général des services judiciaires, qui a constaté le
"caractère manifestement illégal"
de cette expulsion.
Me Sindani estime que le système judiciaire
en soi. Mais l'avocat déplore que des indélicats vendent ou réclament des parcelles alors qu'ils n'ont aucun titre authentique. Il s'indigne aussi que des familles soient expulsées alors qu'elles n'ont pas été notifiées d'une quelconque décision de justice et que les voies de recours n'ont pas été épuisées.
"Ce n'est pas la justice, ça !"
, dit-il.
Quant aux
qui pensent pouvoir acheter illégalement avec leurs dollars des parcelles convoitées, il les met en garde.
"L'historique les rattrapera un jour... ils sont forts aujourd'hui, mais demain ?"
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