‘'Canary Mission'': un réseau pour diffamer les critiques d'Israël aux États-Unis

15:173/01/2024, mercredi
MAJ: 3/01/2024, mercredi
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Crédit Photo : Pixies / Pixabay

Depuis sa création en 2014, le site Internet ‘'Canary Mission'' collecte des informations sur les étudiants et professeurs qui soutiennent la Palestine dans les universités américaines, ainsi que sur les organisations internationales et les médias.

Lorsqu'on écrit sur le moteur de recherche Google les noms des personnes diffamées par ‘'Canary Mission'', les informations collectées par le site d'extrême droite apparaissent au public.


Selon le journaliste d'investigation James Bamford, les liens du site avec les renseignements israéliens et les bailleurs de fonds américains sont
‘'secrets''.

Israël utilise pour le compte de ses services de renseignement les données recueillies par le site Internet ‘'Canary Mission'', qui diffame les critiques des pratiques israéliennes envers les Palestiniens, y compris les Juifs, empêchant ainsi le développement de leur carrière professionnelle et leur accès à de bonnes opportunités d'emploi.


‘'Canary Mission'' mène une campagne pour diffamer ces personnes et organisations taxées d'
‘'antisémites''.

Le site met sur liste noire les noms des étudiants, professeurs ou toute autre personne en désaccord avec Israël ou qui soutient les Palestiniens, et publie leurs données personnelles en ligne sans autorisation.

‘'Canary Mission'' se charge de compiler des dossiers sur les personnes ou les groupes qui
"incitent à la haine envers les États-Unis, Israël et les Juifs, ou cherchent à provoquer la haine dans les couloirs de la vie politique nord-américaine''
, parmi lesquels les militants anti-israéliens de droite et d'extrême gauche, indique le site.

La liste publiée sur le site compte des organisations étudiantes actives dans des universités américaines, ainsi que de nombreuses institutions telles que le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) et la chaîne qatarie Al Jazeera.


Bien que ‘'Canary Mission'' cible principalement les étudiants, les universitaires et les immigrants musulmans, arabes et en milieu multiethnique, sa liste des personnes ou entités diffamées compte également les Juifs qui s'opposent à l'occupation de la Palestine.


Même si les données sur des individus ou organisations publiées par le site semblent s'appuyer sur des renseignements obtenus sur la base d'informations issues de sources ouvertes, certaines des informations partagées sont privées, comme c'est le cas du profil de l'étudiante de l'Université Stanford, Esther Tsvayg, d'origine juive, qui compte des photos d'elle lorsqu'elle était enfant.

Lorsqu'on écrit sur le moteur de recherche Google les noms des personnes diffamées par ‘'Canary Mission'', les informations collectées par le site d'extrême droite apparaissent au public.


Dans un post sur "X'' le 12 septembre dernier, l'étudiante Esther Tsvayg a exprimé son indignation face à la diffamation dont elle a fait l'objet.


Google a décidé que Canary Mission était la source la plus fiable concernant mon identité, et c'est ce qui se produit lorsque nous nous appuyons sur des algorithmes pour révéler la vérité.

De son côté, Zoe Jasper, étudiante juive à l'Oberlin College (État de l'Ohio) et membre de l'organisation ‘'Jewish Voice for Peace'', (organisation militante juive de gauche antisioniste aux États-Unis qui soutient la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël, ndlr) a fait part de son inquiétude lorsqu'elle a vu son profil partagé sur le site Internet "Canary Mission''.


L'identité du ou des fondateurs du site lancé en 2014 demeure encore inconnue.

Dans son article en date du 22 décembre dans l'hebdomadaire américain ‘'The Nation'' concernant les activités calomnieuses de ‘'Canary Mission'', le journaliste d'investigation James Bamford a déclaré que, comme toutes les activités d'espionnage israéliennes aux États-Unis, les liens du site avec les services de renseignement israéliens et les bailleurs de fonds américains sont
"totalement secrets''.

De son côté, le quotidien israélien Haaretz a révélé dans un article publié en 2018, que des sommes d'argent avait été transférées à Canary Mission via une organisation israélienne appelée ‘'Megamot Shalom'' (qui n'a pas de site Internet ni de porte-parole officiel).

Selon Hareetz, l'organisation ‘'Megamot Shalom'', responsable du financement du site, est dirigée par Jonathan Bash, qui réside à Jérusalem et possède une société appelée ‘'Royal Research'', laquelle assure des services dans le domaine de recherche et de collecte de données.


Le quotidien israélien a rapporté que Bash était né aux États-Unis et avait travaillé avec le rabbin d'extrême droite Ben Packer, l'un des partenaires de l'organisation ‘'Megamot Shalom''.


En octobre 2018, l'hebdomadaire The Forward, spécialisé dans les questions juives aux États-Unis, révélait que la Fondation de la famille Helen Diller, gérée par la Fédération de la communauté juive de San Francisco, avait fait don de 100 000 dollars au site Internet ‘'Canary Mission'' via ‘'Megamot Shalom''.


Les dons ont été transférés à travers Israel Center Fund (basé à New York), qui facilite le transfert de dizaines de millions de dollars chaque année vers plusieurs organisations en Israël liées aux groupes d'extrême droite et aux colonies juives.


Selon Haaretz, les renseignements israéliens utilisent les activités diffamatoires de ‘'Canary Mission'' pour déterminer les noms des personnes qui seront interdites d'entrée dans le pays.

Les allégations selon lesquelles les services de renseignement israéliens auraient utilisé de manière optimale le site Internet sont renforcées à la suite de l'arrestation et l'expulsion de l'étudiante Lara al-Kasim qui s'était rendue en Israël en 2018 pour suivre un master à l'Université hébraïque de Jérusalem. Lara al-Kasim avait fait l'objet de diffamation par ‘'Canary Mission''.


Le 10 octobre 2023, des groupes étudiants se sont réunis sur le campus de l'Université Harvard après les attaques israéliennes sur la bande de Gaza et ont publié une lettre ouverte dans le journal étudiant ‘'Harvard Crimson'', appelant à une prise de position contre le
‘'génocide''
des Palestiniens.

À la suite de cette lettre ouverte, le site ‘'Canary Mission'' a préparé des dossiers sur les membres du comité de rédaction de ‘'Harvard Crimson'', les dirigeants du Comité de solidarité avec la Palestine de l'Université Harvard et les autres clubs universitaires qui ont signé la lettre, et les a publiés sous le titre:


Les étudiants de Harvard soutiennent le terrorisme.

‘'Canary Mission'' cible les voix critiques de l'occupation et des massacres israéliens, à travers trois modus operandi : la publication de photos et d'informations personnelles des étudiants et professeurs, sur la base de dossiers privés préparés pour chaque personne.


Ensuite, chaque profil d'une personne ou d'une organisation est étiqueté selon diverses accusations;
‘'antisémitisme''
,
‘'opposition à Israël''
ou
‘'soutien au terrorisme''
. S'ensuit des tentatives de
‘'diaboliser''
ces profils à travers des comptes sur les réseaux sociaux pour la plupart anonymes.

Enfin, le site publie sur les réseaux sociaux des messages liés à des attaques contre les personnes diffamées et soutient leurs auteurs. La plupart de ces messages relèvent de l'insulte, du harcèlement, voire de la menace de mort, ce qui permet de maintenir une pression psychologique sur les personnes diffamées.


Le 26 février 2018, le compte de ‘'Canary Mission'' sur "X" a été suspendu en raison de ses activités sur les réseaux sociaux, dont la plupart violaient les conditions de publication sur la plateforme, mais il a été réactivé deux jours plus tard.


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