C'est son père, et non lui directement, qui a été le protagoniste de la dernière en date, à Melbourne Park, où on a vu Srdjan Djokovic poser avec un homme portant un drapeau russe à l'effigie de Vladimir Poutine, en pleine guerre contre l'Ukraine.
Un mauvais service rendu à son fils, qui aurait voulu reconquérir le cœur des Australiens, un an après le rocambolesque épisode de son expulsion du pays pour défaut de vaccination contre le covid.
La liste des mésaventures, des faux pas, des attitudes incomprises est devenue trop longue pour que le champion espère arriver un jour à la cheville de Rafael Nadal et de Roger Federer en popularité, hors Serbie et Balkans où il est sanctifié.
En principe, cet homme marié et père de deux enfants a tout pour être une idole: affable, respectueux, disponible, drôle, patriote mais ouvert sur le monde, intelligent, cultivé, polyglotte... Et pourtant.
Durant sa carrière, il lui est arrivé d'être hué par une minorité des spectateurs. Trop mécanique ? Trop prévisible ? Trop défensif ? Un peu comédien ? Un peu arrogant ? Peut-être trop fort, tout simplement.
Le champion s'est pourtant donné de la peine pour inverser cette tendance, par exemple en envoyant des signes de gratitudes aux quatre tribunes après chacune de ses victoires ou en s'adressant au public local dans sa langue (notamment en français, en italien, en allemand et dans un excellent anglais).
Le soutien reçu en finale de l'US Open 2021 où, après s'être imposé à l'Open d'Australie, à Roland-Garros et à Wimbledon, il a échoué face à Daniil Medvedev à un match de l'exploit ultime du tennis, le Grand Chelem, aurait pu marquer le tournant tant attendu.
Mais ce moment de grâce avec le public a été très éphémère. Quelques semaines plus tard, il était rattrapé par les polémiques lorsque la question de la vaccination obligatoire pour entrer en Australie est revenue sur le tapis et qu'il n'a opposé qu'un silence d'abord mystérieux, puis agaçant.
Plusieurs fois il a sabordé ses efforts par des initiatives malheureuses, comme l'organisation d'une tournée en ex-Yougoslavie en pleine pandémie qui a viré au foyer épidémique.
Il y a eu aussi sa disqualification en 8e de finale de l'US Open 2020 pour avoir, involontairement, touché une juge de ligne avec une balle dans un geste de colère. Ou encore des jets de raquette, aux Masters de 2016 et ailleurs.
S'il a échoué à conquérir les cœurs, sa moisson de titres, en cours à 35 ans, a comblé ses ambitions, hautes depuis toujours: à sept ans il déclarait à la télévision serbe vouloir devenir N.1 mondial.
Djokovic a remporté 22 titres du Grand Chelem (comme Nadal), 93 tournois sur le circuit de l'ATP, dont 38 Masters 1000 (record) et six Masters (record codétenu avec Federer). Lundi il commencera sa 374e semaine au premier rang mondial (record).
Ses gains financiers sont bien sûr à la hauteur de ces succès avec plus de 165 millions de dollars amassés uniquement en "prize money" (les prix distribués par les tournois), sans compter les revenus publicitaires et autres. Un sort heureux qui ne lui était pas garanti par la naissance.
Car Djokovic, né à Belgrade le 22 mai 1987, n'a pas grandi dans un cocon. À 12 ans, pour échapper aux bombardements de l'Otan pendant la guerre dans les Balkans, il a passé pendant deux mois et demi ses nuits dans des abris antiaériens et ses journées... sur un court de tennis, car l'école était fermée.
Puis sa famille, qui tenait une pizzeria dans une petite station de ski, a fait de gros efforts financiers pour envoyer le prodige dans une école de tennis pendant trois ans en Allemagne, avant qu'il devienne professionnel en 2003.