Geoffrey Hawtin et Cary Fowler, lauréats du prix mondial de l'alimentation, défendent la conservation des semences pour leur adaptation cruciale au climat, alors que la diversité génétique des plantes est menacée.
Leur grande œuvre est d'avoir participé à la création d'une réserve mondiale sur l'archipel norvégien du Svalbard, dans l'Arctique, sorte de coffre-fort géant de graines creusé dans un glacier, où sont désormais stockés 1,25 million d'échantillons.
Le but est toujours de conserver en sécurité le plus de semences agricoles possible, explique Geoffrey Hawtin, un agronome britanno-canadien de 75 ans, au cours d'une interview avec son co-lauréat par visioconférence.
Innombrables expérimentations
Il prédit toutefois la montée en puissance de banques de semences numériques, où seront stockées de plus en plus d'informations détaillant les caractéristiques génétiques des plantes.
Sauvés en Syrie
Les deux hommes ont débuté leur carrière dans les années 1970.
L'objectif alors n'est pas encore l'adaptation au changement climatique mais de produire le plus possible de blé, de maïs et de riz.
Pour y parvenir, les experts de l'époque recommandent de se concentrer sur les semences aux plus hauts rendements, de recourir massivement aux engrais et aux pesticides.
A ce poste, il promeut le recours en Afrique à des plantes traditionnelles, souvent délaissées par les programmes de recherche au profit du maïs, du blé et du riz, mais potentiellement plus nutritives et adaptées à l'environnement.
Geoffrey Hawtin a, lui, commencé sa carrière au Moyen-Orient, allant à la rencontre des paysans pour collecter des semences de légumes en Afghanistan, en Ethiopie, au Liban, en Jordanie... et ensuite les croiser. Ne voulant pas les jeter, il a commencé à les conserver.
Trois décennies plus tard, la guerre en Syrie a forcé la banque de semences d'Alep, où l'agronome a un temps travaillé, à évacuer en urgence ses échantillons ; beaucoup ont été envoyés dans la réserve du Svalbard.
Que la réserve mondiale ait servi aussi vite leur laisse une pointe d'amertume.
Le prix reçu jeudi par les deux hommes est remis depuis 1986 à des individus ayant amélioré la qualité, la quantité ou l'accessibilité de la nourriture dans le monde.