Extraction d'hélium en France: une première en Europe

12:0913/09/2024, Cuma
MAJ: 13/09/2024, Cuma
AFP
Forage réalisé par les équipes de 45-8 Energy sur le site de Fonts-Bouillant, en Bourgogne, dans le centre de la France.
Crédit Photo : 45-8 Energy / 45-8 Energy
Forage réalisé par les équipes de 45-8 Energy sur le site de Fonts-Bouillant, en Bourgogne, dans le centre de la France.

Pour la première fois en Europe de l'Ouest, de l'hélium, gaz rare jusqu'alors totalement importé, est extrait du sous-sol en pleine campagne bourguignonne (centre). Les promoteurs du projet espèrent couvrir jusqu'à 15 % des besoins de la France.

Entre prairies et épaisses forêts, cette petite unité pilote de production d'hélium a été inaugurée cette semaine à Saint-Parize-le-Châtel (Nièvre), à environ 250 kilomètres au sud de Paris. Elle a commencé à extraire ce gaz, non toxique et ininflammable, devenu incontournable dans l'électronique ou l'aérospatial.


Le bien-nommé hameau des Fonts-Bouillants recèle depuis des millénaires des sources d’eaux gazeuses.


Selon la légende, des thermes romains y avaient été installés après la guérison d'une légion entière atteinte de la lèpre. Au XIXe siècle et jusqu'en 1975, ces eaux étaient exploitées comme eaux minérales.

Mais la
"Fontaine des Vertus"
était depuis longtemps tombée dans l'oubli, jusqu'à ce que deux ingénieurs fondent en 2017 la société 45.8 Energy, basée à Metz (Est), qui ambitionne de produire un
"hélium européen et souverain"
, selon leur credo.

L'hélium constitue à la fois
"un non-sens écologique et économique"
, déplore la start-up. Les 32 millions de mètres cubes consommés en Europe de l'Ouest, soit le deuxième marché mondial, sont entièrement importés, principalement des États-Unis, du Qatar et d'Algérie.

Pour être transporté sur de longues distances, l'hélium doit être liquéfié à une température de -269°C,
"ce qui demande beaucoup d'énergie"
, explique Antoine Petat, chargé d'exploitation chez 45.8 Energy. Et l'opération doit être inversée une fois le gaz arrivé chez les clients:
"on le liquéfie, on le transporte et on le regazéifie pour l'utiliser".

En revanche, en l'extrayant en Europe même, près des consommateurs et donc sur de courtes distances, 45.8 Energy peut transporter l'hélium à l'état gazeux.
"L'empreinte carbone est incomparable"
, assure Antoine Petat.

Sans compter l'intérêt économique, puisque le cours de l'hélium importé a triplé ces cinq dernières années.


Le ballon des JO


Ce gaz est devenu essentiel pour de nombreux secteurs.


Bien plus que pour des usages de loisirs tels que la plongée ou les ballons – dont celui transportant la vasque des Jeux olympiques et paralympiques de Paris – l'hélium est incontournable dans l'électronique, notamment les semi-conducteurs, la fibre optique et les laboratoires.


"L'hélium est un gaz clé"
, souligne Jacques Pironon, chercheur au CNRS au laboratoire GéoRessources de Nancy.

À tel point que l'Union européenne
"l'a inscrit sur la liste des ressources critiques"
en 2023, rappelle-t-il. D'ici à 2030, 10 % de l'hélium devront être extraits localement dans l'UE, a décrété l'Union.

"Il faut vraiment sortir de cette vision importatrice, car le bilan carbone est déplorable. Il ne devrait y avoir aujourd'hui qu'un seul mot d'ordre: recentrer la production"
, estime ce spécialiste des ressources gazières.

Dans cette quête de
"souveraineté"
, 45.8 Energy découvre à l'été 2018, en étudiant des rapports géologiques sur plus de 200 sources naturelles en France, que des gaz s'échappent des Fonts-Bouillants.

"On a voulu venir voir par nous-mêmes et, effectivement, on s'est rendu compte que ces sources recrachaient bien de l'hélium en forte concentration"
, se souvient Nicolas Pelissier, cofondateur et président de 45.8 Energy.

En 2021, un permis de recherche est accordé et la société a réalisé plusieurs levées de fonds (31,5 millions d'euros au total).


"Aujourd'hui, c'est une unité pilote, donc c'est encore modeste. Mais nous travaillons déjà à une production industrielle"
, précise Nicolas Pelissier, devant un forage en cours qui analyse les sols jusqu'à 1 300 mètres de profondeur, en lisière d'un champ bordé de forêts.

"Nous avons identifié plusieurs gisements potentiels sur le territoire. L'objectif est que la production couvre jusqu'à 15 % des besoins français en hélium"
, selon le président.

"C'est significatif"
, juge Jacques Pironon.
"Oui, il y a un potentiel en Europe, même si c'est encore difficile d'en avoir une vision claire."

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