"Les morts ne sont pas tous comptabilisés", selon Imane Maarifi, première infirmière française à être entrée à Gaza après le 7 octobre

16:028/10/2024, Salı
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Des Palestiniens au milieu d'une route jonchée de débris en raison des attaques de l'armée d'occupation israélienne, dans le quartier de Shujaiya de la ville de Gaza, le 7 octobre 2024.
Crédit Photo : OMAR AL-QATTAA / AFP
Des Palestiniens au milieu d'une route jonchée de débris en raison des attaques de l'armée d'occupation israélienne, dans le quartier de Shujaiya de la ville de Gaza, le 7 octobre 2024.

Imane Maarifi, infirmière française, a raconté son expérience au sein d'une mission humanitaire à Gaza. Confrontée à des conditions extrêmes, elle a témoigné des manques criants de matériel médical et de la nécessité d'un renforcement de l'aide humanitaire.

Le 21 janvier dernier, c'est aux côtés de l'ONG Palmed qu'Imane Maarifi, infirmière française, accède à la bande de Gaza pour une mission humanitaire.


Parmi les 21 professionnels de santé envoyés, 7 sont arrivés de France. Le groupe a ensuite quitté l'enclave palestinienne le 7 février, après deux semaines particulièrement éprouvantes et une mission qui restera gravée à jamais dans leurs esprits après avoir été confrontés à l'indicible.


Dans un entretien à Anadolu, Imane Maarifi est revenue avec beaucoup de pudeur et de distance, sur ce voyage hors norme, au cours duquel elle a dû exercer son métier dans des conditions qu'elle n'avait jamais connues.


Les "morts ne sont pas comptabilisés comme il faudrait"


À peine arrivés au Caire au terme de leur mission à Gaza, les soignants français ont reçu la visite d'une délégation parlementaire venue de Paris pour les soutenir.


"Mes premiers mots ont été de les alerter sur le fait que les morts ne sont pas tous comptabilisés comme il le faudrait"
, raconte Imane Maarifi qui milite
"pour que les chiffres soient revus à la hausse".

L'infirmière explique qu'un nombre incalculable de blessés, finissent par succomber
"à des infections plutôt qu'à leurs traumatismes directs"
, en raison du rationnement de médicaments et de matériels de soins.

"Normalement une compresse par exemple, on n'a pas le droit de la réutiliser, et c'est un passage par compresse. Là-bas, tu passes, tu repasses, tu la retournes dans l'autre sens, tu réutilises même les côtés"
, grince-t-elle avant d'expliquer que tout est fait à l'économie en raison d'un manque cruel d'aide médicale.

Selon elle, la priorité est systématiquement donnée aux enfants et la plupart des médicaments qui pourraient venir à manquer sont scrupuleusement économisés pour pouvoir soigner les plus jeunes et fragiles.


"Ils n'en ont pas beaucoup mais le peu qu'ils ont, ils le laissent aux enfants. Le matériel le plus qualitatif était pour eux aussi et les soignants se concentraient toujours pour essayer de leur faire les plus belles sutures"
, relate l'infirmière française.

Mais face à un système de soin à l'agonie, Imane Maarifi est forcée de s'adapter, comme l'ensemble du personnel de santé local, aux restrictions qui visent l'entrée de l'aide humanitaire, livrée de manière aléatoire.


"Il y a du matériel qui vient régulièrement mais le problème c'est que les soignants ne savent pas ce qui va être livré et vivent donc dans l'économie constante, de manière à ne pas manquer de produits et médicaments vitaux. On avait des besoins, on les exprimait, mais on ne savait rien de ce qui nous serait apporté le lendemain"
, détaille-t-elle.

L'humanité malgré un contexte apocalyptique


Dès son arrivée, Imane Maarifi est confrontée à la mort, et accueillie dans un hôpital, devenu un véritable lieu de vie, mais surtout un lieu de mort.


Elle explique que dans les locaux du bâtiment médical:


Les linceuls côtoient les gens qui vivent.

"Dans cet hôpital il y a de tout. On y vit, on y meurt, on y cuisine, on s'y lave, on y joue. Quand on passait dans les couloirs, les petites filles demandaient énormément de câlins, les mamans nous proposaient systématiquement du pain",
se souvient l'infirmière, non sans une émotion palpable en livrant son récit. Et de poursuivre:

Mon premier amour c'est la réanimation.

"Mais quand j'arrive en réanimation, je comprends très vite qu'il ne faut pas que je reste là parce-que je vais m'attacher à ces patients".

Imane Maarifi se souvient de Lahna, cette petite fille de 2 ans,
"sa première patiente"
, qu'elle découvre
"le crâne fracassé, paraplégique, avec un oedème cérébral"
, après avoir
"été soufflée par une explosion".

"Quand je l'ai vue, pendant un quart de seconde, je n'étais plus humanitaire, je suis redevenue Imane, et j'ai dit que je voulais adopter cette petite fille dans l'hypothèse où on arriverait à la soigner. J'ai très vite repris mes esprits et j'ai préféré partir, dès le premier jour pour finalement travailler aux urgences, où les patients ne sont que de passage"
, se souvient la jeune femme.

Avec beaucoup de pudeur, Imane Maarifi conclut son témoignage en revenant sur les demandes qui sont formulées sans répit par les humanitaires qui interviennent à Gaza.

Ces derniers réclament notamment auprès du président français Emmanuel Macron
"d'envoyer un signal fort à Israël en réclamant un renforcement de l'aide humanitaire avec davantage de matériel et des renforts humains en nombre suffisant"
.

Pour rappel, la guerre lancée par Israël sur la bande de Gaza au lendemain des attaques du 7 octobre, a déjà provoqué près de 42 000 morts dans l'enclave palestinienne et fait des dizaines de milliers de blessés.


Après un an d'offensive génocidaire, 34 hôpitaux sur 38 ont été mis hors service, ne laissant donc que 4 hôpitaux en état de fonctionner malgré les pénuries de matériel médical et de médicaments.


En dépit de la situation catastrophique sur place et les condamnations de la communauté internationale, l'armée israélienne poursuit son offensive, désormais étendue au Liban.


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