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Hakan Fidan au Niger: les enjeux stratégiques d’une visite de haut niveau

La visite du Ministre turc des affaires étrangères au Niger cette semaine, accompagné d’une forte délégation, n'est pas passée inaperçue. Derrière ce rendez-vous de haut niveau avec l’exécutif nigérien, des enjeux stratégiques et une convergence des ambitions entre les deux pays sont à noter.

Alioune Aboutalib Lo
18:10 - 19/07/2024 vendredi
MAJ: 18:35 - 19/07/2024 vendredi
Yeni Şafak
Le Ministre turc des Affaires Etrangères Hakan Fidan, en visite de travail au Niger, le 18 juillet 2024.
Le Ministre turc des Affaires Etrangères Hakan Fidan, en visite de travail au Niger, le 18 juillet 2024.

Le ministre turc des affaires étrangères, Hakan Fidan, ainsi que le ministre de la défense, Yasar Guler, le ministre de l'énergie, Alparslan Bayraktar, et le chef de l'agence de renseignement MIT, Ibrahim Kalin, ont conclu ce jeudi une visite de travail de 48h au Niger. Au sortir de ce rendez-vous largement médiatisé, les deux pays ont convenu de renforcer leurs relations dans différents secteurs stratégiques.


Une coopération diversifiée


Cette visite des ministres turcs à Niamey intervient deux mois après que le Premier ministre du Niger, Ali Mahaman Lamine Zeine, a rencontré le président turc Tayyip Erdogan à Ankara. La délégation de M. Fidan a aussi rencontré le Président de la Transition nigérienne le général Abdourahmane Tiani.


Au menu des discussions, d’abord la question sécuritaire.
"Nous avons discuté avec le Niger de ce qui peut être fait pour améliorer l’industrie de défense et le renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (…), principale source d’instabilité au Sahel"
, a déclaré M. Fidan à la presse à Niamey.
"La paix, la sécurité et la stabilité en Afrique font partie de nos priorités"
, a poursuivi le ministre.

Le Niger, comme ses voisins du Mali et du Burkina Faso avec qui il a créé la Conférence de l’Alliance des Etats du Sahel, est en proie aux attaques de groupes terroristes depuis plusieurs années. La Türkiye assiste déjà les Etats du Sahel avec la vente de drones devenus un des facteurs de succès de l’industrie de la défense turque.

Mais outre le militaire, les deux pays veulent renforcer leurs coopérations dans les secteurs de l’énergie, de l’exploitation minière, de l’éducation entre autres.


Les autorités nigériennes et turques ont notamment signé une déclaration de volonté de soutenir et d'encourager les entreprises turques à s'investir dans le secteur minier et les gisements de pétrole et de gaz naturel au Niger, a déclaré mercredi le ministère turc de l'énergie.

Mais derrière ces réunions de haut vol, se dessine une convergence stratégique entre les deux pays.


Alternative pour l'un, présence stratégique pour l'autre


La Türkiye vient s’ajouter à une nouvelle configuration des partenaires des pays du Sahel. En effet, après le Mali et le Burkina Faso, le Niger a rompu en quelques sortes sa coopération jugée infructueuse avec les occidentaux et la France en particulier. Après plus d’une dizaine d’années de présence au Sahel, les "pays de l’Ouest" n’ont pas été en mesure d’aider les pays sahéliens à renforcer la capacité de leurs armées, encore moins à mettre fin aux attaques terroristes.


La prise du pouvoir par les militaires dans les pays de l’AES a été suivie d’un changement paradigmatique. Lors d’une visite au Burkina Faso juin dernier, le Colonel Assimi Goita du Mali avait notamment expliqué que la création de l'Alliance des États du Sahel (AES) a permis au trois pays membres :


de sortir des partenariats de façade et non efficaces pour nous orienter vers des partenaires sincères tels que la Russie, la Chine, la Türkiye.

De l’autre côté, la Türkiye elle continue de renforcer sa présence en Afrique qui est devenue depuis plus de 20 ans, une priorité pour Ankara. Les relations turco-africaines se sont d’abord accélérées depuis 2005 décrétée "Année de l’Afrique" en Türkiye, synonyme d’une ouverture du pays au continent.


Depuis lors, les échanges économiques entre les deux entités ont atteint plus de 40 milliards de dollars. Le marché africain est devenu non seulement une aubaine pour le commerce turc mais aussi pour les entreprises turques qui ont renforcé notamment leur présence dans le secteur des infrastructures.

Mais si la Türkiye avait priorisé les relations économiques et commerciales avec les pays africains, le développement de son industrie de défense a permis à Ankara de renforcer ses partenariats militaires. La Türkiye est déjà militairement présente en Libye et en Somalie où notamment elle forme les militaires somaliennes et partage son expérience de la lutte antiterroriste.


Ces nouveaux attributs d’Ankara dans sa politique étrangère pourraient davantage se faire ressentir au Niger où la lutte contre le terrorisme est un prérequis pour stabiliser le pays et aspirer à l’émergence. Ankara se présente désormais comme une alternative non seulement dans le cadre de la coopération économique mais aussi militaire.

En ce sens, subsiste une convergence des besoins et des visions stratégiques entre la Türkiye et le Niger qui, comme ses voisins du Sahel, cherche de nouveaux partenaires plus crédibles. La Türkiye qui compte 45 ambassades désormais en Afrique continue de faire du continent un "bassin géopolitique" où elle peut promouvoir son commerce, ses entreprises et des partenariats crédibles, pouvant se répercuter dans son aura diplomatique.


Si la Türkiye était connue pour son soft power en Afrique depuis deux décennies, elle est désormais concrètement dans une démarche de smart power avec un renforcement de ses coopérations militaires avec des pays demandeurs et dans le besoin, comme le Niger.


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