L'avocat au barreau de Marseille considère que "ce que l'on voit ici, c'est la dimension et le volet politique de cette affaire". Il relève par exemple qu'il "est reproché à l'imam d'avoir cité le Coran" et s'interroge sur le respect du principe de laïcité dans ce médiatique dossier.
Comme de nombreux responsables associatifs musulmans, imams, et lieux de culte, la mosquée des Bleuets à Marseille, a été visée ces dernières semaines, par une procédure de fermeture, initiée par le Préfet de police des Bouches-du-Rhône, Pierre-Edouard Colliex, avant que ce dernier ne se rétracte ce mardi, considérant finalement avoir reçu les garanties nécessaires de la part de l'association gestionnaire, après la mise en retrait de son imam principal.
Dans les faits, si le lieu de culte a bien été menacé de fermeture, c'est en réalité, Smaïn Bendjilali, dit l'imam Ismaïl, qui reste seul dans le viseur de l'autorité administrative pour des prises de position en lien avec la situation à Gaza, ou encore pour avoir cité des passages de textes religieux.
Dans un entretien à Anadolu, Rafik Chekkat, avocat du lieu de culte, est revenu en détail sur cette procédure et dénonce
qui intervient au terme
"d'un bras de fer illégal"
entamé par le préfet.
Des griefs en contradiction avec le principe de laïcité
L'avis de fermeture adressé par les services de l'Etat le 20 août dernier, et visant à informer la direction de l'association, de la volonté de procéder à la fermeture administrative du lieu de culte, a eu l'effet d'une déflagration dans le paysage associatif musulman et à fortiori à Marseille, où la mosquée des Bleuets, située dans les quartiers Nord de la cité phocéenne, fait office de véritable institution et de lieu de vie et d'échange pour des centaines de fidèles.
Le document, consulté par Anadolu, énumère dans sa quasi-totalité, des déclarations de l'imam Ismaïl, dont certaines sont de simples rappels et passages de textes religieux.
Rafik Chekkat, avocat au barreau de Marseille considère que
"ce que l'on voit ici, c'est la dimension et le volet politique de cette affaire"
. Il estime que le préfet des Bouches-du-Rhône
"a montré sa volonté de s'en prendre à cette mosquée et à cet imam en particulier".
Il relève par exemple qu'il
"est reproché à l'imam d'avoir cité le Coran"
et s'interroge sur le respect du principe de laïcité dans ce médiatique dossier.
Est-ce qu'il appartient aux autorités laïques d'un pays, de dire quel est le bon Islam et quel est le mauvais Islam ?
"Est-ce qu'il appartient aux autorités laïques d'un pays de reprocher à un imam de citer le Coran ? Ou de lui reprocher d'avoir cité tel Hadith plutôt qu'un autre ? Est-ce qu'il appartient aux autorités laïques d'un Etat de légiférer en matière religieuse, c'est-à-dire de décider quels sont les Hadiths que l'on peut citer, quels sont ceux que l'on ne peut pas citer, quels sont les passages du Coran que l'on peut citer, ceux que l'on ne peut pas citer? (…) Est-ce-que c'est une école religieuse la préfecture de police des Bouches-du-Rhône? Qui sont ses Oulémas et ses Shouyoukhs ?"
grince Me Chekkat.
"Un mouvement répressif contre les voix qui s'élèvent contre le massacre à Gaza"
Au-delà des déclarations purement religieuses de l'imam Ismaïl, ce sont bien des positionnements bien plus politiques qui sont utilisés pour justifier la procédure qui le vise.
Comme des dizaines d'autres personnalités publiques, le responsable religieux est mis en cause pour des publications en lien avec la situation en Palestine, qui lui valent d'être convoqué le 3 octobre prochain devant la justice, pour répondre à des accusations
"d'apologie de terrorisme"
après un signalement effectué au parquet de Marseille par le préfet des Bouches-du-Rhône lui-même.
Pour maître Chekkat
"une nouvelle fois, ceux qui dénoncent les massacres à Gaza sont davantage poursuivis que ceux qui les commettent, que les milliers de soldats français et franco-israéliens qui commettent actuellement des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et de la torture à Gaza".
Et de conclure:
La poursuite dont fait l'objet l'imam Ismaïl pour ces griefs-là s'inscrit dans le vaste mouvement répressif contre les voix qui s'érigent contre les massacres en cours à Gaza.
La fermeture suspendue, l'imam Ismaïl toujours dans le viseur
Mardi matin, après trois semaines d'agitation, c'est par la voix du ministre de l'Intérieur démissionnaire, Gérald Darmanin, que la suspension de la procédure de fermeture de la mosquée des Bleuets, a été annoncée.
La veille, l'imam Ismaïl annonçait se mettre en retrait du lieu de culte, le temps de se consacrer à une formation portant sur la laïcité.
Vivement critiqué pour avoir initié une procédure qualifiée de
, le préfet assure dans un communiqué de presse avoir pris cette décision
"pour ne pas pénaliser les pratiquants du lieu de culte, conformément à la liberté constitutionnelle d'exercice du culte".
Pour Rafik Chekkat, le rétropédalage des autorités relève
après
"un bras de fer illégal dont on sort par le haut".
Pour rappel, le domicile de l'imam Ismaïl ainsi que la mosquée des Bleuets avait été perquisitionnés fin août dans le cadre de cette procédure de fermeture.
Dans la foulée, le préfet du département avait effectué un signalement au parquet concernant une publication sur le réseau social X en lien avec la guerre à Gaza. L'imam avait ensuite été placé en garde à vue début septembre et est désormais convoqué devant la justice pour être jugé.
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