Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, le président tunisien Kais Saied et la Première ministre italienne Giorgia Meloni. Crédit photo: TUNISIAN PRESIDENCY / AFP
Giorgia Meloni a invité dimanche à Rome les pays méditerranéens pour une "conférence internationale" destinée à étendre le modèle d'accord signé par l'UE avec la Tunisie dans le but de freiner l'arrivée de migrants sur le Vieux continent.
La Première ministre italienne d'extrême-droite attend dans la capitale des dirigeants de la région, de l'Union européenne et des institutions financières internationales, indique son gouvernement.
Mme Meloni a confirmé la présence du président tunisien Kais Saied, et les Premiers ministres maltais Robert Abela et égyptien Moustafa al-Madbouly ont fait savoir qu'ils viendraient. Parmi les invités figurent aussi les Premiers ministres algérien, grec, jordanien et libanais, mais aussi les dirigeants européens Charles Michel et Ursula von der Leyen.
Pendant la campagne des législatives de 2022 qui l'ont portée au pouvoir, Giorgia Meloni avait promis de "stopper les débarquements" de migrants en Italie. Son gouvernement a depuis mis des bâtons dans les hélices des navires humanitaires, sans pour autant tarir les départs.
Et ce n'est pas l'accord avec Tunis qui va changer la donne, objecte Federica Infantino, chercheuse au Migration Policy Centre de l'Institut Universitaire Européen de Florence.
On ne peut pas imaginer les migrations comme de l'eau qui sort du robinet, qu'on ferme et qu'on ouvre selon le goût de certains politiques.
Même si les objectifs affichés ne sont pas remplis,
"c'est un enjeu symbolique fort"
de politique intérieure aux yeux de Giorgia Meloni, note Federica Infantino.
"Pas des démocraties parfaites"
Selon Rome, quelque 80.000 personnes ont traversé la Méditerranée et sont arrivées sur les côtes de la péninsule depuis le début de l'année, contre 33.000 l'an dernier sur la même période, en majorité au départ du littoral tunisien.
Face à ce constat, Mme Meloni et la Commission européenne, avec le soutien des autres pays membres de l'UE, ont intensifié leur
avec la Tunisie, en la soutenant face au Fonds monétaire international qui exige force réformes en échange de son aide, et en promettant des financements si le pays s'engage à combattre l'émigration à partir de son territoire.
Bruxelles et Rome ont signé la semaine dernière avec le président tunisien un protocole d'accord qui prévoit notamment une aide européenne de 105 millions d'euros destinée à empêcher les départs de bateaux de migrants et lutter contre les passeurs.
L'accord prévoit aussi plus de retours de Tunisiens en situation irrégulière dans l'UE, ainsi que les retours depuis la Tunisie vers leurs pays d'origine de migrants d'Afrique subsaharienne.
"Ce partenariat avec la Tunisie doit être un modèle pour construire de nouvelles relations avec nos voisins d'Afrique du Nord"
, a plaidé Mme Meloni à Tunis où elle était accompagnée de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Un haut responsable européen s'exprimant sous couvert de l'anonymat a confirmé que l'UE souhaitait négocier avec l'Egypte et le Maroc des partenariats similaires.
"Nous devons coopérer avec les pays d'Afrique du Nord même si pour cela il nous faut accepter qu'ils ne soient pas des démocraties parfaites"
, renchérit un ambassadeur en poste à Rome ayant requis l'anonymat.
Il y a une unité dans l'UE sur ce principe.
Les ONG sont en revanche vent debout.
Sea-Watch déplore que
"l'UE et ses Etats-membres continuent de durcir leurs politiques mortelles d'isolement"
.
La Méditerranée n'est pas seulement un cimetière, c'est une scène de crime.
"L'Europe n'a rien appris de sa complicité dans les abus atroces commis à l'encontre des migrants en Libye",
fustige Human Rights Watch.
Les migrants continueront de vouloir traverser la Méditerranée et il faut donc trouver d'autres solutions, font valoir les Européens.
Pour le chercheur indépendant Yves Pascouau, le fait qu'il existe un
entre l'Europe et les pays de départ est une chose positive.
Il est néanmoins inquiétant de constater que désormais
"la migration est aussi considérée par les pays du sud comme un problème"
. Et tant que les politiques migratoires dépendront des ministres européens de l'Intérieur, la question sera uniquement abordée du point de vue sécuritaire.
Ce qui manque dans la relation entre l'UE et les pays tiers, c'est une réflexion à long terme.
Selon l'ONU, plus de 100.000 migrants sont arrivés en Europe au cours des six premiers mois de 2023 par la mer, depuis les côtes nord-africaines, la Türkiye et le Liban. Ils étaient un peu plus de 189.000 en 2022.
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