France: Ces travailleurs migrants qui rêvent du Royaume-Uni

10:2628/08/2024, mercredi
AFP
Un officier de la police aux frontières françaises (PAF) cherche des migrants tentant de traverser la Manche pour rejoindre la Grande-Bretagne, à Gravelines, dans le nord de la France, le 20 juillet 2024.
Crédit Photo : Sameer Al-DOUMY / AFP
Un officier de la police aux frontières françaises (PAF) cherche des migrants tentant de traverser la Manche pour rejoindre la Grande-Bretagne, à Gravelines, dans le nord de la France, le 20 juillet 2024.

Les travailleurs migrants en France, déçus par les conditions difficiles, se tournent vers le Royaume-Uni, attirés par ses opportunités et sa tolérance.

"La livre sterling est forte, il y a moins de paperasse pour travailler et l'anglais est universel"
, résume Samba, réfugié à Paris. Installé légalement en France, ce jeune travailleur
"en galère"
illustre le rêve d'un avenir meilleur au Royaume-Uni que caressent certains migrants.

Livreur cycliste à Paris, Samba, qui a fui la Côte d'Ivoire il y a quatre ans, a obtenu l'asile, mais
"a besoin d'aller voir ailleurs".

"Ici, c'est trop dur, personne ne nous aide et ne nous défend"
, déplore le jeune homme, fatigué de sillonner les rues de Paris.
"J'ai gagné à peine plus de 600 euros ce mois d'août."

Le jeune homme a entrepris une demande de visa de travail pour le Royaume-Uni, un pays dont il ignore tout et où il n'a aucune famille. Pour lui, le travail y sera plus facile:
"Là-bas, on te recrute pour ton savoir-faire et tu as moins de paperasse, c'est concret."

Il n'est pas le seul dans ce cas, assure Thomas Lacroix, directeur de recherche en géographie au centre de recherche français CNRS. Une fois obtenu le statut de réfugié,
"beaucoup d'immigrés ont préféré quitter le pays d'Europe dans lequel ils attendaient pour rejoindre le Royaume-Uni parce qu'ils y sont mieux acceptés."

Pour cela, le demandeur doit produire un niveau d'anglais minimum et une offre d'emploi aux autorités britanniques, qui promettent une réponse sous huit semaines.


Même si l'attribution des visas de travail et d'études a été durcie, le pays continue de faire rêver.
"Il y a un mélange de mythe et de réalité. Quoi qu'il arrive, les raisons pour lesquelles on immigre sont toujours plus fortes que les restrictions mises en place par les gouvernements"
, souligne Matthieu Tardis, co-directeur du centre de recherche Synergies Migrations.

En juillet, le gouvernement travailliste a annoncé un plan pour réduire le recours à la main-d'œuvre étrangère en améliorant la formation des jeunes Britanniques, alors que des secteurs entiers dépendent de l'immigration comme la santé ou le bâtiment.

Malgré les promesses de contrôler davantage les arrivées avec le Brexit, l'immigration nette s'élevait à 685 000 personnes supplémentaires en 2023, selon les statistiques officielles, soit le deuxième niveau le plus élevé, après le record atteint l'année précédente (764 000 personnes).


Ascension sociale


"La langue, mais aussi l'économie libérale qui conduit à un marché du travail moins régulé avec plus de flexibilité dans l'emploi, est favorable aux migrants"
, constate Matthieu Tardis.

Majoritaires jusqu'au référendum sur le retrait de la Grande-Bretagne de l'Europe, les Européens ont été remplacés dans les arrivants par les Indiens, Nigérians, Chinois ou encore Pakistanais.


L'immigration professionnelle non-européenne se chiffrait ainsi à 423 000 en 2023, selon l'Office national des statistiques britannique.

Devant le bureau des visas britannique à Paris, Aysha, Nigériane de 38 ans, est venue déposer une demande de visa. Elle explique dans un français hésitant avoir du mal à s'intégrer ici:
"J'ai postulé à un travail où il fallait parler anglais, mais je n'ai pas été prise. J'ai senti que c'était parce que je n'avais pas la bonne nationalité"
, assure la trentenaire.

Elle aussi nourrit un espoir tenace:
"En Angleterre, on regarde moins tes origines. Ma sœur qui est là-bas a très vite trouvé du travail après ses études de communication"
, raconte la ressortissante du Nigeria, pays du Commonwealth.

La société britannique est
"plus tolérante envers la population étrangère que dans d'autres pays"
, avance Thomas Lacroix.

Les émeutes de l'extrême droite fin juillet sont
"un peu l'arbre qui cache la forêt
", estime-t-il, alors qu'une étude de la World Values Survey de 2022 a placé le Royaume-Uni en tête des pays qui acceptent le mieux l'immigration.

Dans un pays à l'économie libérale,
"la possibilité d'ascension sociale a vu l'émergence d'une classe moyenne et supérieure aux origines migratoires"
, observe le chercheur.

En 2016, Londres élisait un maire musulman, Sadiq Khan, fils d’immigrés pakistanais. En 2022, Rishi Sunak, d'origine indienne, est devenu Premier ministre... en promettant notamment d'expulser vers le Rwanda les demandeurs d'asile arrivés illégalement.


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