Crédit Photo : Lillian SUWANRUMPHA / AFP
"Khaing", une ancienne enseignante du Mouvement de désobéissance civile (CDM), en train de plier des vêtements dans sa maison actuelle après avoir fui le Myanmar pour la Thaïlande afin d'éviter la conscription par la junte militaire du Myanmar, à Bangkok.
Quand la junte a annoncé en février qu'elle allait enrôler des jeunes civils dans sa guerre contre les forces ethniques et pro-démocratie, Khaing a compris qu'il ne restait qu'une seule issue devant elle : fuir la Birmanie.
Des semaines plus tard, cette ancienne enseignante a traversé la frontière thaïlandaise, cachée dans un van par des passeurs, avec quelques vêtements, de l'argent liquide et une carte d'identité, sans savoir si elle allait retourner un jour dans son pays natal.
"J'ai pleuré chaque jour de mon premier mois ici"
, se souvient-elle. Elle n'a accepté de donner que son prénom pour des raisons de sécurité.
À Bangkok, sans papiers, elle vit dans la peur constante d'être arrêtée et expulsée. Elle travaille à temps partiel dans la boutique d'une connaissance et le soir, dans sa petite chambre, elle vend des produits de beauté et des médicaments sur le réseau social TikTok.
Des dizaines de milliers de Birmans ont fui leur pays depuis l'annonce d'un service militaire d'au moins deux ans pour les hommes de 18 à 35 ans et les femmes de 18 à 27 ans.
Les généraux sont accusés de punir les civils soupçonnés de soutenir l'opposition, à travers des raids aériens et des frappes d'artillerie qui ont propagé la terreur et anéanti les espoirs d'une jeunesse laissée pour compte depuis le coup d'État de 2021.
L'armée ambitionne d'enrôler 5 000 têtes par vague de recrutement, mais les détails sur la sélection des soldats de conscription et leur déploiement restent vagues. Des médias locaux ont rapporté le sort de jeunes hommes enrôlés de force dans les rues. Les militaires ont nié avoir agi de la sorte.
"La loi de service militaire signifie que nous devons nous entretuer"
, assure Wai Yan (son prénom), 26 ans, originaire de l'État Karen (Est).
"Nous ne sommes pas engagés dans une guerre contre des ennemis étrangers. Nous nous battons entre nous"
, poursuit celui qui a traversé la frontière en mai, et travaille depuis dans un restaurant de Bangkok, au noir.
Ngwe Yan Thun, un pseudonyme, n'avait pas d'autre choix que de partir, affirme-t-il. Ce critique de films, basé à Rangoun, a payé environ 220 dollars (200 euros) pour fuir le pays à travers un
contacté grâce à des amis.
Après l'annonce de la conscription, la junte a resserré les restrictions sur les passages à la frontière et suspendu aux hommes la délivrance de permis de travail permettant d'être employé à l'étranger.
Ngwe Yan Thun a vendu toutes ses affaires personnelles, s'est arrangé de manière à ce que des amis prennent soin de son chien, et a acheté un billet d'avion pour Tachileik, une ville birmane à la frontière thaïlandaise. À l'aéroport, il a versé un pot-de-vin à des officiels qui avaient des soupçons sur les raisons le poussant à voyager dans une ville de province aussi éloignée.
Sur place, il a été placé dans une cachette avec une trentaine d'autres personnes qui attendaient comme lui de rejoindre la Thaïlande. C'est dans une voiture, entassé avec onze autres individus, qu'il a pu gagner le royaume.
"Je n'étais pas considéré comme un être humain. Je me suis senti comme une marchandise au marché noir"
, déclare-t-il. Il vit désormais à Chiang Mai, la grande ville du Nord de la Thaïlande où réside une importante communauté birmane.
De profonds liens culturels et commerciaux unissent la Birmanie et la Thaïlande qui, au fil des conflits au long cours qui ravagent son voisin, a ouvert ses portes avec plus ou moins de volonté politique.
Les Birmans constituent une main-d'œuvre bon marché pour le royaume, mais Bangkok ne reconnaît pas le statut de réfugié et demeure un des rares alliés militaires de Naypyidaw. Ceux en fuite gardent ainsi une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.
Des
de jeunes personnes auraient fui le service militaire en Birmanie, selon des estimations de sources sur le terrain transmises à l'Organisation mondiale du travail.
Dans le même temps, la première vague de 5 000 jeunes Birmans appelés sous les drapeaux devait commencer fin juin le service actif, selon des sources militaires à l'AFP, à une période critique pour la junte qui est attaquée dans le Nord et l'Ouest du pays.
Ngwe Yan Thun est soulagé que la ligne de front se soit éloignée pour lui, mais le soir dans son lit son avenir le tourmente.
"Je pense à ce que je devrais faire si je n'obtiens pas de travail et de papiers pour rester"
, explique-t-il.
"Je ne peux pas rentrer en Birmanie. Ma tête est submergée par mes pensées et mes inquiétudes tout le temps."
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