Demande de mandats d'arrêt contre les dirigeants israéliens: Quelle est la prochaine étape ?

11:2923/05/2024, Perşembe
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 Le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan.
Crédit Photo : LUIS ACOSTA / AFP / Archive
Le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan.

Comme prévu, la réaction a été rapide, les dirigeants du monde occidental, notamment le président américain Joe Biden et le Premier ministre britannique Rishi Sunak, ont fustigé la Cour pénale internationale (CPI) après que son procureur a demandé des mandats d'arrêt contre des hauts responsables israéliens.

Karim Khan, le procureur de la CPI, demande des mandats d'arrêt contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commise pendant l'offensive israélienne en cours à Gaza, qui a fait, à ce jour, plus de 35 600 morts et près de 80 000 blessés, parmi les Palestiniens.


Parmi les accusations portées par l'équipe de Khan contre les responsables israéliens figurent l'extermination, l'utilisation de la famine comme méthode de guerre, le fait de causer délibérément de grandes souffrances et le fait de diriger intentionnellement des attaques contre une population civile.

Au total, Khan a demandé des mandats d'arrêt contre cinq personnes, Netanyahu, Gallant et les dirigeants du Hamas Yahya Sinwar, Ismail Haniyeh et Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, également connu sous le nom de Mohammed Deif.


Alors que les alliés fidèles d'Israël, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, ont critiqué la décision prise contre Netanyahu et Gallant, des pays du monde entier ont manifesté leur soutien, notamment des pays européens comme la France et la Belgique.


Quelles sont les prochaines étapes ?


La demande du procureur de la CPI a été transmise à la chambre préliminaire, qui décidera de délivrer ou non les mandats d'arrêt.

Dans cette affaire, il s'agit de la Chambre préliminaire, actuellement composée des juges Lulia Motoc de Roumanie, Reine Alapini-Gansou du Bénin et Nicolas Guillou de France, selon Sergey Vasiliev, professeur agrégé à la faculté de droit de l'Université d'Amsterdam.


"La décision implique une évaluation pour déterminer s'il existe des motifs raisonnables de croire que ces individus ont commis les crimes relevant de la compétence de la CPI et si l'arrestation serait nécessaire"
, a-t-il déclaré à Anadolu.

Les juges examineront les faits allégués, les preuves et autres informations fournies par le procureur pour déterminer si la norme légale des
"motifs raisonnables"
a été respectée, a-t-il ajouté.

Quel résultat est attendu et quand ?


Comme de nombreux experts, Vasiliev estime que la demande de mandats d'arrêt de Khan sera approuvée.


"J'attends des juges de la chambre préliminaire qu'ils approuvent la demande du procureur. Je suppose que l'enquête a été menée de manière approfondie au cours des sept derniers mois",
a-t-il affirmé.

"Les preuves seraient largement suffisantes pour répondre au seuil des "motifs raisonnables" et les demandes intégreraient les faits allégués dans un récit juridique concis mais convaincant".

Il a expliqué que la norme des
"motifs raisonnables"
n'est pas aussi exigeante que celle des
"motifs sérieux de croire".
De plus, il a déclaré:

Les demandes de mandat d'arrêt ne sont généralement pas censées fournir une analyse approfondie des preuves et des questions juridiques.

Il n'y a pas de délai précis pour que les juges de la CPI prennent leur décision sur les mandats d'arrêt, mais comme on l'a vu dans des affaires précédentes, cela pourrait aller
"de quelques semaines à quelques mois"
, a estimé Vasiliev.

Il a cité l'affaire marquante de 2023 du président russe, Vladimir Poutine, et de la commissaire présidentielle russe aux droits de l'enfant, Maria Alexeïevna, lorsqu'une chambre préliminaire de la CPI
"a eu besoin de moins d'un mois pour accéder à la demande du procureur d'émettre des mandats d'arrêt".

Compte tenu de l'urgence de la présente affaire, du caractère très médiatisé des affaires contre le Hamas et les dirigeants israéliens, et de la nature désastreuse de la situation humanitaire sur le terrain à Gaza, Vasiliev a déclaré qu'il s'attend à une décision d'ici trois à six semaines.


La demande peut-elle être rejetée ?


Alors que le consensus général semble être que la demande de Khan sera approuvée, Vasiliev a expliqué qu'il est possible que les juges n'acceptent pas les demandes du procureur en totalité ou en partie, par exemple en ce qui concerne certaines accusations.


Si cela se produit, Khan pourrait faire appel de la décision, mais il lui faudrait d'abord l'autorisation de la chambre pour le faire, car il n'y a
"pas de droit automatique de faire appel des décisions relatives aux mandats d'arrêt"
, a-t-il expliqué.

Pour obtenir le droit de faire appel, le procureur
"doit démontrer que la décision concerne une question affectant de manière significative le déroulement équitable et rapide de la procédure ou l'issue du procès, et dont la résolution immédiate peut faire avancer sensiblement la procédure"
, a encore précisé le professeur.

Khan peut-il demander d'autres mandats d'arrêt ?


Dans sa déclaration de lundi, le procureur de la CPI a fait savoir que l'enquête menée par son bureau se poursuit et que de multiples pistes d'enquête supplémentaires et interconnectées sont avancées.


Khan a affirmé que son équipe n'hésitera pas à soumettre d'autres demandes de mandats d'arrêt si
"nous considérons que le seuil d'une perspective réaliste de condamnation a été atteint".

Vasiliev a souligné à ce sujet que dans la présente requête, certaines accusations possibles brillent par leur absence, telle que le génocide.


"Les accusations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité pour lesquelles l'arrestation des cinq personnes est demandée reflètent dans l'ensemble les informations du domaine public. Il existait une abondance de données pertinentes sur lesquelles le procureur pouvait s'appuyer pour compléter toute preuve à sa disposition. Le bureau a peut-être recueilli des informations auprès de témoins oculaires"
, a-t-il déclaré.

"Mais les listes actuelles pourraient être encore élargies et d'autres demandes de mandat pourraient être en cours. La sélection actuelle des accusations ne constitue pas nécessairement le dernier mot en la matière"
, selon lui.

Comment les mandats d'arrêt sont-ils émis et que se passe-t-il ensuite ?


Si les juges approuvent la demande, les mandats d'arrêt peuvent être délivrés sous forme de document public ou sous scellés, ou bien il peut y avoir une annonce de la chambre préliminaire sans publier le document lui-même, comme ce fut le cas pour Poutine et Lvova-Belova, a expliqué Vassiliev avant de souligner:


Si la décision elle-même est rendue publique, les personnes et les États concernés en seront informés.

"Si elle fait droit aux demandes et les rend publiques, la chambre précisera au moins les noms et les accusations et fournira un bref résumé des allégations factuelles sous-jacentes"
, a-t-il déclaré.

Lorsque la CPI émet des mandats d'arrêt contre une personne, les 124 pays signataires du Statut de Rome sont tenus d'arrêter cette personne si elle met le pied sur leur territoire.

Cependant, les États qui ne sont pas partis au Statut fondateur de la CPI, comme Israël et les États-Unis, n'ont pas une telle obligation.


Vasiliev a souligné que
"la coopération des États est essentielle"
puisque la CPI ne dispose pas de sa propre
"force de police".

"Par conséquent, si et quand la décision sur les mandats d'arrêt sera rendue, le tribunal transmettra les demandes d'arrestation et de remise des personnes à tout État sur le territoire duquel elles pourraient se trouver"
, a-t-il expliqué.

Ces demandes peuvent être envoyées de manière confidentielle, par des voies diplomatiques ou autres.


"L'État concerné est censé consulter la CPI si la personne conteste sa comparution devant un tribunal national"
, a déclaré Vasiliev:
"Cet État est censé vérifier si la CPI a déjà rendu une décision sur la recevabilité de l'affaire et si cette dernière a été jugée recevable, il devrait exécuter la demande de remise".

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