C'est en ces termes que les Nations unies introduisent le thème ou la question de l'importance des forêts. Les forêts procurent de la nourriture, du combustible, des médicaments et un abri à 1,6 milliard de personnes. Elles purifient l'air ambiant, préviennent l'érosion des sols, protègent contre les inondations, améliorent la qualité de l'eau et atténuent les effets négatifs du changement climatique.
Selon le dernier rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) sur la situation des forêts, celles-ci abritent 60 000 espèces différentes d'arbres, 80 % des espèces d'amphibiens, 75 % des espèces d'oiseaux et 68 % des espèces de mammifères de la planète. C'est là que se trouve la majeure partie de la biodiversité de la planète.
"Pourtant, malgré tous ces bienfaits écologiques, économiques, sociaux et sanitaires, la déforestation se poursuit à un rythme alarmant à l'échelle mondiale"
, souligne l'ONU. D’où la création de la Journée mondiale des forêts, instituée le 28 novembre 2012 par l'Assemblée générale des Nations unies, et célébrée depuis 2013 dans le monde entier le 21 mars de chaque année.
Cette journée vise à promouvoir une meilleure connaissance de l'environnement et à sensibiliser les nouvelles générations au respect et à la protection des forêts, étape fondamentale pour mettre un terme à leur destruction.
Cette année, à l'occasion de la Journée internationale des forêts 2023, sous le thème "Des forêts saines pour des populations en bonne santé"
le rôle essentiel des forêts dans la préservation de l'environnement et de la bonne santé des sociétés a été au cœur d'un événement de portée mondiale, qui a rassemblé des ministres (l'Afrique était représentée par Maria-Orlea Vina, ministre de l'Environnement et du Développement durable de Madagascar), des experts et des jeunes activistes de différents pays et continents.
Organisé par la FAO, l'événement qui a vu la participation du directeur général, QU Dongyu, a également souligné que la protection et la gestion durable des zones forestières du monde doivent être une priorité absolue, étant donné leur contribution cruciale aux moyens de subsistance, à la nutrition, à la biodiversité et à la lutte contre les effets du réchauffement climatique.
Les forêts sont, après les océans, de véritables réservoirs de carbone : elles retiennent au total 861 milliards de tonnes de carbone et absorbent chaque année environ un tiers des émissions de CO2 d'origine humaine.
Selon Amy Duchelle, Fonctionnaire principale chargée des forêts à la FAO,
"les forêts ont un rôle essentiel en matière de lutte contre le changement climatique. L'arrêt de la déforestation et l'augmentation des superficies boisées sont des solutions efficaces pour lutter contre le changement climatique, réduisant les émissions de plus de 5 gigatonnes (Gt) d'équivalent CO2 chaque année, soit environ 11 % des émissions annuelles totales".
"Les forêts ne se contentent pas d'emmagasiner le carbone ; elles ont un effet de refroidissement spectaculaire à l'échelle planétaire grâce à l'évapotranspiration, à leur structure physique et à leur composition chimique. Cette capacité supplémentaire d'atténuation des effets du changement climatique au niveau mondial est complétée par la capacité des forêts à réguler les précipitations et à stabiliser le climat local, ce qui contribue à minimiser les phénomènes météorologiques extrêmes et rend les forêts essentielles pour l'adaptation et la résilience au changement climatique. La productivité agricole future dans les tropiques, et au-delà, dépend des fonctions de régulation du climat assurées par les forêts"
, a déclaré l'experte de la FAO.
Ces fonctions essentielles sont toutefois compromises lorsque les écosystèmes naturels, tels que les forêts, sont détruits ou dégradés. Les arbres étant constitués d'environ 20 % de leur propre poids en carbone, une partie du CO2 absorbé par les forêts est rejetée dans l'atmosphère lors de l'abattage des arbres.
La déforestation est en effet la deuxième source de CO2 de matrice humaine, avec pas moins de 8 milliards de tonnes de CO2 émises chaque année depuis 2000, période au cours de laquelle pas moins de 10 % de la surface forestière mondiale a été perdue, certaines voix faisant le lien entre la déforestation et l'émergence de nouvelles maladies.
Déforestation et nouvelles maladies infectieuses
Plus de 30 % des nouvelles maladies signalées depuis 1960 sont attribuées aux changements liés à la gestion des terres, y compris à la déforestation. Selon le dernier rapport de la FAO sur "La situation des forêts du monde", la déforestation, notamment dans les régions tropicales, a été associée à une augmentation des maladies infectieuses telles que la dengue, le paludisme et la fièvre jaune.
Il ressort d'une étude récente que 15 % des quelque 250 maladies infectieuses analysées sont liées aux forêts, et que plusieurs d'entre elles (Ebola et VIH/sida) sont particulièrement préjudiciables tant à la santé humaine que sur le plan économique.
Répondant à Anadolu Ajansi, Kristina Rodina, Expert forestier au siège de la FAO a déclaré à ce sujet :
"En général, le risque de maladie augmente lorsqu'il y a des changements de conditions des forêts, comme lors de leur conversion à l'agriculture, de la construction de routes, de l'exploitation minière et d'autres activités industrielles. L'analyse des schémas géographiques des origines des MIE
(maladies infectieuses émergentes)
suggère que la déforestation et la reforestation sont toutes deux corrélées à un risque accru d'émergence de maladies à l'échelle mondiale. Les zones les plus préoccupantes sont notamment les forêts tropicales qui connaissent un bouleversement rapide de l'utilisation des sols et une croissance démographique, et où la biodiversité des mammifères est importante".
Citant un exemple de la façon dont la modification de l'écosystème forestier contribue fortement à l'émergence de maladies, Kristina Rodina a déclaré :
"Une étude menée au Sénégal a révélé que des niveaux élevés
(chez l'homme)
d'anticorps contre le virus Chikungunya, transmis par les moustiques, étaient associés de manière significative à la proximité avec des zones forestières et à des activités minières ".
L'Ebola, identifié pour la première fois chez l'homme en Afrique subsaharienne en 1976 et qui, en 2014-2016, a tué plus de 11 000 personnes en Afrique de l'Ouest, a été associée à un déboisement rapide : les chercheurs ont constaté, en se basant sur des données récentes concernant les maladies infectieuses, qu'une épidémie d'Ebola est plus susceptible de se produire dans une zone récemment sujette à une déforestation.
Déforestation et développement de l'agriculture
Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), près de 90 % de la déforestation mondiale est due à l'expansion des activités agricoles, tandis que d'autres causes telles que les incendies et l'urbanisation ne représentent qu'une faible part du problème. Les élevages de bétail et les cultures (soja, cacao, caoutchouc, café et bois etc…) ont été responsables de 57 % de la déforestation liée à l'agriculture entre 2001 et 2015.
Entre 2000 et 2019, près de 70 % de la déforestation s'est concentrée dans les régions tropicales et subtropicales : plus de 43 millions d'hectares, soit une superficie équivalente à celle du Maroc, ont été perdus entre 2000 et 2017 dans les zones considérées comme les points chauds de la déforestation mondiale : l'Amérique latine, l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud-est. Les pays touchés par la plus forte accélération de la déforestation depuis 2001 étant la République démocratique du Congo, l'Indonésie et le Brésil.
Selon Caroline Merle, Experte au siège de la FAO,
"dans de nombreux endroits, la dynamique de la perte des forêts est alimentée par des facteurs tels que le manque d'alternatives économiques et la faiblesse de la gouvernance".
Prônant des alternatives pour les personnes à revenu faible et moyen dont les moyens de subsistance quotidiens dépendent d'activités liées au défrichement des forêts, l'experte affirme que
"des efforts devraient être déployés pour favoriser l'adoption de pratiques de production plus viables et être assortis d'interventions plus étendues en matière de lutte contre la pauvreté et de développement rural, notamment en matière de protection des droits fonciers ".
L'experte de la FAO souligne que la prise de conscience publique et privée s'est accrue ces dernières années, tout comme les attentes des consommateurs à l'égard de pratiques de production plus soutenables. C'est ainsi que les États, les collectivités territoriales, la société civile et le secteur privé ont largement adhéré à l'objectif de réduire, de stopper et d'inverser la tendance au recul des forêts.
Cela ressort des instruments fixant des objectifs spécifiques pour dissocier le développement agricole de la déforestation, notamment dans le cadre d'initiatives telles que la déclaration de New York sur les forêts, le forum sur les biens de consommation, les déclarations d'Amsterdam, l'initiative du Secrétaire général des Nations unies visant à inverser la tendance à la déforestation et, plus récemment, la déclaration des dirigeants de Glasgow sur les forêts et l'utilisation des terres.
Et l'experte d'ajouter :
"Les gouvernements se dotent également de dispositifs rigoureux pour limiter la conversion des forêts en terres cultivées ou en prairies, ou pour empêcher le commerce de produits provenant de terres récemment déboisées".
S'agissant de la forêt Amazonienne, Caroline Merle explique que de nombreuses initiatives sont en cours pour renforcer les modèles de production durable qui respectent la forêt.
"La FAO et d'autres agences des Nations Unies ont notamment soutenu différents pays de la région dans la conception et la mise en œuvre de stratégies ou de plans d'action visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à la déforestation et à la dégradation des forêts"
, a-t-elle déclaré.
L'experte de la FAO a mis l'accent sur les systèmes de surveillance des forêts, ainsi que sur les garanties sociales et environnementales qui ont été mises en place, ajoutant :
"Un nombre croissant d'entreprises signent des engagements en matière de déforestation. Ainsi, près de 500 grands détaillants, négociants et industriels de l'agroalimentaire ont désormais établi des lignes directrices ou pris des engagements pour réduire le risque de déforestation ou de dégradation des forêts".
Et Caroline Merle de conclure :
"Nous pensons que la tendance est à un plus grand engagement du secteur privé dans des filières plus durables, même si les progrès sont encore trop lents. Il est nécessaire de transformer les circuits agroalimentaires, afin de réduire leur empreinte environnementale et leur impact sur l'homme. Un contrôle constant de la part de la société civile peut favoriser une plus grande transparence et garantir que les entreprises soient garantes des engagements qu'elles prennent ".