Epicentre du jazz en Californie, ce quartier de San Francisco était surnommé le "Harlem de l'Ouest" après-guerre. Jusqu'à ce que les politiques de rénovation urbaine menées par la ville dans les années 60-70 ne chasse la communauté noire de son fief. La sexagénaire confie à l'AFP:
C'est un exemple parfait de la raison pour laquelle nous méritons des réparations.
Son grand-père a toujours refusé de céder sa demeure à la municipalité, qui assurait vouloir détruire le bâtiment. Mais à sa mort en 1975, la famille a été forcée de vendre à un prix dérisoire et au lieu d'être rasée, la maison a été convertie en logements sociaux.
Privés de leur point de ralliement, les membres de sa fratrie sont partis ailleurs en Californie, à Oakland, Palo Alto ou Sacramento.
L'idée de réparations pour compenser les inégalités nées de l'esclavage et perpétuées par le racisme systémique est débattue depuis des décennies aux États-Unis, mais a longtemps relevé de la lubie universitaire.
Si la ville d'Evanston, près de Chicago, a été la première à adopter un plan attribuant des aides financières aux Afro-Américains pour rénover leur logement, la Californie nourrit les projets les plus ambitieux.
Cet État de la côte ouest est le premier aux États-Unis à avoir créé une commission sur le sujet. Après trois ans de travail, son rapport final publié jeudi recommande le versement d'importantes réparations financières.
Expropriations, discrimination au logement, incarcérations disproportionnées... Sans suggérer directement un montant aux législateurs, l'organe propose une méthodologie détaillée pour chiffrer le préjudice vécu par les Afro-Américains de Californie.
San Francisco a également son propre comité. L'organisme a défrayé la chronique lorsqu'il a proposé en mars de verser 5 millions de dollars à chaque habitant Afro-Américain éligible.
Mais pour de nombreux Afro-Américains rencontrés par l'AFP, l'équation financière est incontournable. A San Francisco, capitale de la tech où la gentrification a fait exploser les prix, ils ne représentent plus qu'environ 5% de la population, contre 13% dans les années 1970.
Un à un, les restaurants de "soul food", tout comme les clubs de jazz où jouait son père saxophoniste et fréquentés par Duke Ellington, Billie Holiday ou Ella Fitzgerald, ont disparu. A la place du plus célèbre d'entre eux, le "Jimbo's Bop City", on trouve désormais un salon de coiffure où la coupe femme démarre à 105 dollars.
Nous avons perdu notre sens de la communauté. La colonne vertébrale (du quartier) a été arrachée.
A 82 ans, ce compagnon de route de Martin Luther King appelle les démocrates à ne pas enterrer la question pour des raisons budgétaires.