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Des manifestants tiennent des pancartes lors d'un rassemblement contre une proposition de loi controversée sur l'extradition à Hong Kong, le 9 juin 2019.
Lorsque l'écrivaine Kay So a quitté Hong Kong, elle avait dans ses bagages deux nouvelles qu'elle avait écrites sur les grandes manifestations prodémocratie qui ont bouleversé sa ville natale en 2019.
Cela faisait alors trois mois que Pékin avait imposé une loi de sécurité nationale radicale pour réprimer la dissidence politique après les manifestations monstres, parfois violentes. Jugeant improbable que son projet d'écriture se transforme en livre à Hong Kong, elle est partie étudier la littérature à Taïwan en 2020.
"Je ne veux pas faire du travail créatif dans un endroit où je dois m'autocensurer. La liberté d'écrire est une liberté importante"
, confie la trentenaire à l'AFP. Elle a depuis achevé un recueil de huit nouvelles écrites en chinois inspirées des manifestations, intitulé
(
"Les yeux braqués sur le feu"
). L'ouvrage a été publié à Taïwan en mai, un mois avant le cinquième anniversaire des manifestations.
En 2019, un million de Hongkongais étaient descendus dans la rue pour s'opposer à un projet de loi permettant d'extrader des suspects vers la Chine et son système judiciaire opaque.
L'ancienne colonie britannique, rétrocédée à la Chine en 1997, a ensuite vu le mouvement se métamorphoser et s'élargir en faveur d'une plus grande autonomie par rapport à Pékin, avant que les autorités hongkongaises ne l'écrasent.
Emprisonnés, exilés, réduits au silence
Plus de 10.000 personnes ont été arrêtées et plus de 2.900 ont été poursuivies pour avoir participé aux manifestations.
Depuis, l'opposition a pratiquement disparu, tandis que les défenseurs de la démocratie ont été emprisonnés, sont partis ou ont été réduits au silence. Dernier épisode, le gouvernement hongkongais a annoncé mercredi l'annulation des passeports de militants prodémocratie ayant
au Royaume-Uni.
C'est dans les pages de plusieurs ouvrages de fiction que le mouvement semble désormais se perpétuer. Nombre d'auteurs de Hong Kong ont choisi de vivre et d'écrire à l'étranger. De Taïwan où elle vit, Mme So explique que son livre est consacré à l'
"épisode le plus fascinant et le plus influent"
de sa vie, le mouvement de 2019.
"De nombreuses personnes purgent encore des peines de prison ou attendent leur procès"
, dit-elle par téléphone.
"J'aimerais m'adresser aux personnes qui se sentent encore concernées... pour qu'elles sachent qu'il y a ici une écrivain qui, elle aussi, se sent encore concernée"
.
Ne pas laisser tomber Hong Kong
En vertu de la loi sur la sécurité nationale adoptée par Pékin, les médias considérés comme critiques à l'égard de l'exécutif ont été poursuivis en tant que
"publications séditieuses"
.
Certaines librairies indépendantes, considérées comme un bastion résiduel des cercles progressistes, ont fait l'objet d'inspections accrues. Hong Kong a promulgué en mars une deuxième loi qui inclut une définition élargie de la
, limitant encore davantage les libertés, selon plusieurs gouvernements étrangers.
Mais le Hong Kong dépeint dans les pages de Mme So reste dans un état d'agitation bouillonnante: une mère tente d'envoyer à son fils emprisonné son plat préféré; une étudiante se dispute avec son professeur au sujet de politique; une fille écrit une lettre à son défunt père, accusé d'avoir été un kamikaze anti-gouvernemental.
"Je me suis rendue compte que j'étais prise au piège et que je devais continuer à écrire sur le mouvement"
, ajoute l'écrivaine.
Leung Lee-chi, romancière primée, également basée à Taïwan, a fait part de la même urgence.
"Je ne peux pas laisser tomber Hong Kong"
, a-t-elle déclaré à l'AFP. Depuis qu'elle s'est installée sur l'île démocratique en 2021, Mme Leung a publié une trilogie:
(Mouvement quotidien) sur ceux qui ont été arrêtés dans les manifestations,
(Notes d'un survivant) explorant les sources du mouvement, et le dernier en date sur la diaspora post-manifestation intitulé
"The Melancholy of Trees"
(La mélancolie des arbres).
"Après une crise politique, la littérature peut nous aider à nous redécouvrir dans les vagues déferlantes"
, confie-t-elle.
Ceux qui ont choisi de continuer à travailler de manière créative à Hong Kong doivent chercher à créer
"un espace à l'intérieur du cadre"
hongkongais, assure un autre romancier resté dans la cité financière.
Le souvenir des manifestations reste
pour de nombreux Hongkongais, dit l'écrivain qui requiert l'anonymat pour éviter les poursuites après avoir publié des articles sur les manifestations de 2019. À Hong Kong,
"il n'y a pratiquement pas d'espace, pas de terrain où les gens peuvent discuter, raconter, s'exprimer"
, estime-t-il. Pour lui, c'est le rôle de
de créer cet espace.
Évoquant les procès en cours contre des militants prodémocratie et les récentes arrestations en vertu de la loi de sécurité nationale de Hong Kong, il assure que l'écriture sert à maintenir l'esprit de liberté.
"Si nous continuons à écrire, nous hériterons de la liberté et nous la soutiendrons"
.
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