A Bénarès, capitale de l'hindouisme en Inde, des fidèles hindous ont commencé à investir une mosquée, et son gardien, Syed Mohammad Yaseen, s'inquiète de savoir combien de temps les musulmans seront encore autorisés à venir y prier.
C'est à Bénarès, appelée aussi Varanasi, que de nombreux hindous viennent incinérer leurs morts au bord du Gange, mais cette ville du nord de l'Inde est aussi le nouveau front d'une bataille menée par les hindous majoritaires pour revendiquer des monuments islamiques vieux de plusieurs siècles en Inde.
Le Premier ministre Narendra Modi, champion de cette cause, a inauguré le mois dernier dans une ville voisine un nouveau temple grandiose sur le site d'une ancienne mosquée démolie par des fanatiques hindous il y a plusieurs décennies.
Il ne s'agit pas seulement d'une seule mosquée. Leur slogan dit qu'aucune tombe ou mosquée ne sera épargnée.
Les hindous affirment que la mosquée Gyanvapi, qui accueille l'une des plus grandes congrégations musulmanes de Bénarès, a été construite sur un sanctuaire dédié au dieu hindou Shiva, pendant l'empire moghol qui a régné sur une grande partie de l'Inde pendant plus de trois siècles.
Présence policière renforcée
Depuis des années, les musulmans fréquentent la mosquée sous surveillance policière afin d'empêcher que le conflit ne dégénère.
Mais cette semaine, un tribunal local a ordonné que le sous-sol de la mosquée soit ouvert aux fidèles hindous.
Yaseen s'alarme de ce qui est pour lui un clair soutien des autorités aux revendications des hindous.
Au même moment, des dizaines de fidèles hindous se pressaient devant les barricades de la police et criaient des slogans en dévotion à Shiva, le dieu hindou de la création et de la destruction.
"Chaînes de l'esclavage"
Narendra Modi et le parti nationaliste hindou au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), ont cherché à promouvoir la religion majoritaire et à la mettre au premier plan depuis leur arrivée au pouvoir il y a dix ans.
Mais les plus de 210 millions de musulmans du pays voient ce temple comme un signe de leur marginalisation croissante. Il a été bâti sur le site de la mosquée Babri, vieille de 500 ans, démolie en 1992 par des fanatiques hindous. Cette destruction, encouragée par le parti au pouvoir, avait alors déclenché les pires émeutes religieuses dans le pays depuis l'indépendance, faisant environ 2.000 morts, pour la plupart musulmans.
"Un pas en avant"
Comme à Bénarès, des militants hindous affirmaient que la mosquée Babri avait été construite sur un ancien sanctuaire dédié à une divinité hindoue sous la période de l'empire moghol, qu'ils considèrent comme une période d'oppression musulmane sur l'hindouisme.