L’hôpital al-Chifa en ruines: un symbole de la guerre à Gaza

La rédaction
16:0423/09/2024, lundi
AFP
L'hôpital al-Chifa, situé dans la bande de Gaza et ciblé lors des sièges, raids et attaques de l'armée israélienne, a rouvert son service d'urgences le 1er septembre 2024.
Crédit Photo : AA / AA
L'hôpital al-Chifa, situé dans la bande de Gaza et ciblé lors des sièges, raids et attaques de l'armée israélienne, a rouvert son service d'urgences le 1er septembre 2024.

Eventré, incendié, largement détruit: l'hôpital al-Chifa, qui était le plus important de la bande de Gaza, est devenu l'un des lieux emblématiques de la guerre qui a éclaté le 7 octobre entre l'armée israélienne et le mouvement palestinien Hamas.

L'établissement, qui accueillait auparavant des milliers de patients dans plusieurs bâtiments, a cessé toute activité pendant des mois, avant de rouvrir en septembre un service d'urgences au milieu des ruines.


Le docteur Jadallah al-Shaffey, responsable des lieux, raconte qu'il a dû
"sortir des machines de dialyse des décombres".

Situé dans la ville de Gaza (nord), l'hôpital, une institution depuis 1946, a été largement détruit par deux opérations militaires israéliennes en l'espace de quelques mois, l'une en novembre dernier, l'autre en mars.


Au moins 2.300 personnes étaient à l'intérieur le 15 novembre, selon l'ONU, quand l'armée israélienne y a pénétré en pleine nuit. Des tirs et des explosions ont terrifié les patients et le personnel soignant pendant des jours.

Environ quatre mois plus tard, le 19 mars, les chars israéliens sont retournés dans le complexe, passé au peigne fin par ses soldats pendant onze jours. Après s'être retirée, l'armée a affirmé y avoir tué plus de 200
"terroristes"
et trouvé de nombreuses armes.

La Défense civile de la bande de Gaza, petit territoire palestinien où le Hamas a pris le pouvoir en 2007, a dit avoir retrouvé au moins 300 cadavres.

"C'est un cas d'école de la violation des droits humains"
, affirme l'universitaire palestino-américaine Yara Asi, spécialiste de la santé publique en zones de guerre.

Le narratif mensonger d'Israël


Depuis le début de la guerre, il y a bientôt un an, l'armée sioniste a toujours affirmé qu'elle ciblait l'hôpital al-Chifa au motif que des combattants du Hamas et d'autres groupes armés palestiniens se servaient des lieux comme centres de commandement.


Elle a appuyé ses accusations en fournissant notamment des vidéos qu'elle a tournées, montrant des tunnels sous l'hôpital. Mais de nombreux Palestiniens de Gaza et des médias spécialisés dans la vérification des vidéos ont accusé l'armée de mises en scène.

"Il y a tant de désinformation qu'à partir du moment où il y a un doute, les gens peuvent croire"
sans preuve, note Mme Asi, précisant qu'un
"narratif"
biaisé peut exister dans
"un monde où la vérité est un concept relatif".

Les autorités israéliennes ont aussi affirmé que des otages pourraient se trouver dans les hôpitaux, et que les dépouilles d'au moins deux otages, Noa Marciano et Yehudit Weiss, avaient été retrouvées à proximité immédiate d'al-Chifa.


Le Hamas a nié l'ensemble des accusations.

Un lieu désacralisé


"A chaque guerre, cet hôpital devenait plus important"
, raconte Ghassan Abou Sittah, en référence aux quatre précédentes guerres à Gaza (2008-2009, 2012, 2014 et 2021). Ce chirurgien palestino-britannique a passé les 43 premiers jours de la guerre en cours à Gaza pour soigner des blessés.

Al-Chifa (la guérison, en arabe) est un des bâtiments publics les plus connus du territoire palestinien, et l'armée israélienne l'a, selon lui,
"désacralisé".

"C'est parti d'une infrastructure coloniale presque élémentaire (al-Chifa a été construit dans une ancienne caserne britannique, ndlr) pour devenir le plus grand centre de soins de Gaza"
, analyse Mme Asi.

"Comme beaucoup d'aspects du développement palestinien, ce n'était pas seulement un hôpital, mais une manifestation de la volonté des Palestiniens de vivre sur cette terre".

L'image des ruines de cette institution publique fonctionnelle, rare dans la bande de Gaza, a été vécue comme un traumatisme par de nombreux Palestiniens, en particulier les Gazaouis.


"Après la chute d'al-Chifa, les gens se sont dit qu'il n'y avait plus rien dans le nord (de la bande de Gaza, ndlr) qui puisse les aider
", ajoute M. Abou Sittah.
"C'était le centre névralgique du système de santé, les raids l'ont brisé".

À l'image de ces murs noircis et criblés de balles, le reste du système de santé du territoire palestinien s'est effondré en près d'un an de guerre.

L'Organisation mondiale de la Santé estime que seule une poignée de dispensaires fonctionnent, et les blessés, des dizaines chaque jour, sont le plus souvent pris en charge par les hôpitaux de campagne des organisations internationales.


Partout, les soignants disent manquer de tout.


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