France: Cinq rugbymen aux assises pour viol

09:4514/06/2024, vendredi
AFP
La cour d'assises de Gironde.
Crédit Photo : Courd d'Assises / courtdassises.fr
La cour d'assises de Gironde.

L'affaire avait ébranlé le monde du rugby: la cour d'assises de la Gironde juge à partir de lundi cinq anciens joueurs de Grenoble, dont trois pour viol en réunion sur une étudiante, lors d'une soirée après un match à Bordeaux en 2017.

Dans ce dossier où la question du consentement sera au cœur des débats, les accusés assurent que rien n'a eu lieu sous contrainte, mais l'avocate de la jeune femme questionne cette notion dans un contexte fortement alcoolisé.


"Qu'est-ce que le consentement ? À partir de quand est-il atténué, voire totalement aboli ?",
s'interroge Me Anne Cadiot-Feidt, l'une des quatre conseils de la victime, V., aujourd'hui âgée de 27 ans.

Cette dernière, fraîchement diplômée, souhaite garder l'anonymat,
"notamment pour protéger son corps de métier"
et mener une vie personnelle loin de toute médiatisation, explique sa défense.

Sur le banc des accusés jusqu'au 28 juin, cinq ex-joueurs de Grenoble: l'Irlandais Denis Coulson, 30 ans, le Néo-Zélandais Rory Grice, 34 ans, et le Français Loïck Jammes, 29 ans, sont accusés de l'avoir violée.


L'Irlandais Chris Farrell, 31 ans, et le Néo-Zélandais Dylan Hayes, 30 ans, comparaissent pour non-empêchement de crime.

Le 11 mars 2017, quelques mois avant l'éclatement de "l'affaire #MeToo" de l'autre côté de l'Atlantique, V. et deux amies font la connaissance des cinq hommes dans un bar de Bordeaux, où les joueurs grenoblois avaient disputé le jour-même un match de Top 14. La soirée se poursuit dans une discothèque.


Ambiance alcoolisée


Mojitos et Vodka-Red Bull coulent à flot.


Vers 04H00 du matin, V. repart en taxi avec Denis Coulson en direction de l'hôtel des joueurs mais affirme ne plus se souvenir de rien à partir du départ de la boîte de nuit.


D'après un expert toxicologique, elle aurait eu entre 2,2 et 3 grammes d'alcool par litre de sang à ce moment-là. Sur des images de vidéosurveillance à son arrivée à l'hôtel, elle tient difficilement debout et est soutenue par Denis Coulson qui semble l'empêcher à deux reprises de retourner dans le taxi.

Vers 07H00 du matin, la jeune femme dit reprendre ses esprits, nue sur un lit, avec une béquille dans le vagin, entourée de deux hommes nus et d'autres habillés.


Au procès, les discussions aborderont
"peut-être la notion de responsabilité que peut avoir une victime dans le cas où elle se serait volontairement mise dans un état provoquant un consentement atténué, voire aboli. Peut-elle être tenue pour responsable des violences dont elle a fait l'objet ?"
, demande Me Cadiot-Feidt, anticipant la défense des accusés.

"On se pose souvent la question du consentement de la victime, et pas du tout de l'appréciation du consentement par les agresseurs"
, souligne-t-elle, évoquant des
"braqueurs de l'âme et du corps".

"Niveau de tolérance important"


Se basant sur les auditions des mis en cause, de témoins et d'une vidéo tournée par Denis Coulson pendant un acte sexuel, les enquêteurs évoquent notamment plusieurs fellations, ainsi que l'introduction d'une banane, d'une bouteille et de béquilles dans le vagin de la jeune femme.

Coulson, Jammes et Grice ont reconnu avoir eu des relations sexuelles avec V. mais assurent qu'elle était consentante et avait même pris des initiatives dans cette chambre d'hôtel à Mérignac près de Bordeaux. Farrell, à qui appartenaient les béquilles, était présent dans la chambre pendant les faits et Hayes a assisté à la scène.


Pour l'avocat de M. Jammes, Me Denis Dreyfus, les débats vont tourner autour de la notion de consentement et de sa difficulté dans un contexte
"d'alcoolisation générale". "Ce qui est certain, c'est que c'est un malheur pour les uns et les autres"
, affirme-t-il.

"Ce n'est pas le procès de rugbymen violeurs, c'est le procès de l'alcool"
, insiste Me Corinne Dreyfus-Schmidt, avocate de Denis Coulson, qui déplore un
"climat",
lié à #MeToo, qui
"n'est pas propice à la compréhension"
.
"Tous ces jeunes qui picolent à s'en mettre dans des états pas possibles, voilà la problématique de ce dossier"
, dit-elle.

Me Cadiot-Feidt, elle, s'insurge contre un
"niveau de tolérance important"
vis-à-vis de ces affaires-là, notamment de la part des supporters et de certains clubs de rugby
"qui ont pourtant des chartes très claires".

"Pour beaucoup encore, la femme n'a qu'à pas sortir, elle n'a qu'à pas boire, elle n'a qu'à pas se mettre dans cette situation-là"
, dénonce-t-elle.

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