ÉDITION:

Mali: Tombouctou suffoque sous blocus terroristes

12:0021/09/2023, jeudi
AFP
Crédit photo: STRINGER / AFP
Crédit photo: STRINGER / AFP

Les habitants de Tombouctou ont d'abord cru à une nouvelle forme d'intimidation lorsque les terroristes ont annoncé le blocus, déclare une figure de la société civile locale.

Aujourd'hui, presque coupés du reste du monde, ils ressentent pleinement la réalité de la menace.
"On pensait que c'était juste des messages vocaux pour semer la psychose"
, explique Abdoul Aziz Mohamed Yehiya,
"aujourd'hui, franchement, ce que nous vivons, c'est exactement le blocus"
.

Le Groupe GSIM, une alliance terroriste affiliée à Al-Qaïda qui combat depuis des années contre l'État malien, a annoncé dans une série de messages en août qu'il déclarait
"la guerre dans la région de Tombouctou"
.

Les camions venant d'Algérie, de Mauritanie ou d'ailleurs ne passeront plus, prévenait un commandant local du GSIM, Talha Abou Hind. Ceux qui défieraient l'interdiction seraient
"ciblés et incendiés".

Des témoignages recueillis sur place et au téléphone par l'AFP racontent la vie depuis lors pour les quelques dizaines de milliers d'habitants de la
"cité aux 333 saints"
, la
"perle du désert"
à l'histoire et au patrimoine séculaires, où les camions n'entrent plus, d'où l'on ne sort qu'à ses risques et périls, où des produits de première nécessité commencent à manquer et sur laquelle, de loin en loin pour l'instant, tombent des obus.

Des témoins parlent à découvert, d'autres demandent à rester anonymes pour leur sécurité.


Un habitant tout juste rentré à Tombouctou raconte que sur la route à partir de Goundam, à 80 km au sud-ouest, il était quasiment seul à moto.
"Je n'ai rencontré que des terroristes lourdement armés avec des mitrailleuses de 12,7 mm sur des motos"
, dit-il.

La route étant devenue trop dangereuse, le fleuve Niger, qui coule au sud, offrait une solution pour acheminer les biens et les personnes. Ce recours a disparu le 7 septembre avec l'attaque imputée aux terroristes qui a tué des dizaines de civils à bord du ferry le Tombouctou. La navigation est arrêtée jusqu'à nouvel ordre, annonce un agent de la compagnie fluviale.


Quant aux liaisons aériennes, Sky Mali, la seule compagnie desservant Tombouctou, a annulé ses vols après une attaque à l'obus dans le périmètre de l'aéroport.


Les terroristes étendent leur emprise sur les zones rurales entourant les villes, non pas nécessairement dans le but de prendre les villes, mieux défendues, mais en suivant une tactique censée augmenter la pression sur l'État central.


La junte au pouvoir, confrontée à une multitude de défis sécuritaires dans presque tout le pays et à une recrudescence des tensions dans le nord, minimise les effets d'un blocus qu'elle s'abstient de qualifier ainsi.


Dans la cité, le commerce dépérit.
"Si vous faites le tour de la ville, vous verrez les camions stationnés qui ne peuvent pas bouger. Aucun camion ne rentre aujourd'hui à Tombouctou"
, assure Oumar Baraka, président d'une association de jeunes.

"On est en crise. Il y a beaucoup de sucre, de lait et d'huile qui ne rentrent pas en ville"
, renchérit Baba Mohamed, commerçant.
"Si ça continue comme ça, beaucoup de boutiques vont fermer"
, s'inquiète-t-il.

Dans cette région pauvre et négligée, les consommateurs subissent déjà le coût de la pénurie et de la spéculation.
"Le litre d'essence coûte 1 250 francs (1,9 EUR), alors que les gens le payaient 700 francs"
, constate M. Baraka.

"La situation est intenable, les populations de Tombouctou souffrent"
, déplore Abdoul Aziz Mohamed Yehiya, une figure de la société civile.

Il y a aussi la crainte pour la sécurité, d'autant plus maintenant que la mission de l'ONU, poussée vers la sortie par le gouvernement militaire, quitte les lieux. Depuis le début de leur retrait, les terroristes ont resserré leur emprise.


"D'habitude, les gens sortent, s'amusent dehors. Mais tout ça a tendance à disparaître à cause des obus tirés en pleine rue, les gens ont très peur"
, raconte une habitante.

En plus de la poussée terroristes, la menace d'une offensive de groupes séparatistes à dominance touareg et arabe est
"prise au sérieux"
, et les citoyens arabes ou touaregs
"ont en majorité vidé le commerce"
par crainte de représailles éventuelles, dit un cadre de la société civile.

Ces groupes avaient pris le contrôle de Tombouctou en 2012 avant de la perdre au profit des terroristes, qui avaient causé l'émoi par leurs exactions et la destruction d'une partie des mausolées de la ville, inscrite au patrimoine de l'humanité. Le responsable décrit:


Les rues sont vides, l'atmosphère est morose, et l'inquiétude grandit.

Comment desserrer l'étau ? Un autre représentant de la société civile recommande que les autorités traditionnelles aillent parler aux terroristes.


Il ne se fait pas d'illusions:
"les gens ont trop peur des autorités, et Bamako dit qu'il n'y a pas de blocus et qu'ils ne vont pas négocier avec des terroristes. Je ne vois aucune issue"
.

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a salué la résilience le 5 septembre en rencontrant des représentants de Tombouctou:
"Il faut tout sacrifier pendant un moment pour inverser la tendance. Cela se fait dans la douleur".

À lire également:




#Mali
#armée
#terroriste
#affrontement
#Afrique
#conflit
#combat

Cliquez ici pour recevoir les nouvelles les plus importantes de la journée par e-mail. Abonnez-vous ici.

En devenant membre, vous consentez à recevoir des communications électroniques de la part des sites d'Albayrak Media Group et acceptez les conditions d'utilisation et la politique de confidentialité.