Renoncements vitaux: quand la précarité force les Français à choisir entre soins, loisirs et survie

12:5420/09/2024, Cuma
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Le Secours populaire ne limite pas son action à la France. Son 3ᵉ baromètre européen, qui couvre neuf autres pays, révèle que la précarité est un fléau commun à plusieurs nations européennes.
Crédit Photo : TIMOTHY A. CLARY / AFP
Le Secours populaire ne limite pas son action à la France. Son 3ᵉ baromètre européen, qui couvre neuf autres pays, révèle que la précarité est un fléau commun à plusieurs nations européennes.

Sébastien Thollot, secrétaire national du Secours populaire, a exprimé son inquiétude quant à l'ampleur des renoncements auxquels sont confrontés les Français en situation de précarité. Selon le 18ᵉ baromètre de l'association, plus de 60 % des Français estiment être directement concernés par la pauvreté ou risquer de l'être bientôt. Ce phénomène se traduit par des privations quotidiennes touchant aussi bien la santé, les loisirs que les besoins alimentaires.

Le secrétaire national du Secours populaire a précisé que la précarité croissante contraint les Français à
"faire des choix impossibles"
.
"Renoncer à des soins médicaux parce qu'on n'a pas de mutuelle ou de moyens financiers est devenu une réalité pour beaucoup. Plus inquiétant encore, ces privations concernent aussi les enfants, privés d'activités sportives et culturelles faute de ressources"
, explique Thollot.

Des privations alimentaires qui frappent de plein fouet


Le 18ᵉ baromètre du Secours populaire met en lumière un phénomène particulièrement inquiétant: le renoncement à une alimentation suffisante et de qualité. Un Français sur trois avoue devoir renoncer à manger trois repas par jour, conséquence directe de la hausse des prix alimentaires.



"L'inflation [annuelle] de 12 % sur les produits de première nécessité a un effet dévastateur sur les budgets des ménages précaires"
, précise Thollot. Pour ces familles, se nourrir convenablement est devenu un défi quotidien, ce qui affecte non seulement leur santé physique, mais aussi leur bien-être psychologique.

Les zones rurales sont particulièrement touchées par ce phénomène. En dehors des grandes villes, où les structures d'aide sont parfois plus accessibles, de nombreuses familles se retrouvent à faire des choix drastiques.
"Plus de 57 % des habitants des zones rurales ne peuvent pas partir en vacances une fois par an, et 36 % peinent même à maintenir une apparence décente faute de moyens"
, selon le Secours populaire.

Les privations touchent aussi les plus jeunes: 86 % des parents d'enfants mineurs estiment que leurs enfants seront plus exposés à la pauvreté que la génération précédente.
"Les générations futures grandissent avec un sentiment d'incertitude qui renforce l'idée d'un déclassement inévitable"
, avertit Thollot.

L'impact du numérique: un autre facteur de renoncement


En plus des privations matérielles, la dématérialisation des services publics complique encore davantage l'accès aux droits essentiels. Le baromètre du Secours populaire révèle que plus de 20 % des Français renoncent à exercer leurs droits faute d'accès ou de maîtrise des outils numériques.


"Aujourd'hui, presque tous les services publics sont dématérialisés. Pour ceux qui ne maîtrisent pas les nouvelles technologies ou n'ont pas les moyens d'y accéder, cela signifie un renoncement pur et simple à leurs droits"
, déplore Thollot.

Le numérique, loin d'être un outil d'inclusion pour les plus démunis, devient une barrière.
"Si vous devez parcourir des kilomètres en zone rurale pour rejoindre une 'Maison France Services', où l'on peut vous aider avec vos démarches en ligne, cela implique des frais supplémentaires que beaucoup ne peuvent se permettre"
, ajoute Thollot. Cette fracture numérique renforce l'isolement des personnes précaires, qui renoncent progressivement à faire valoir leurs droits, tels que les aides sociales ou les services de santé.

Une précarité partagée en Europe


Le Secours populaire ne limite pas son action à la France. Son 3ᵉ baromètre européen, qui couvre neuf autres pays, révèle que la précarité est un fléau commun à plusieurs nations européennes.

"En Europe, trois personnes sur dix sont en situation de précarité"
, souligne Sébastien Thollot, s'appuyant sur les résultats de cette étude menée dans des pays aussi divers que l'Allemagne, la Grèce, ou encore la Moldavie. Si le taux de précarité est de 20 % en Allemagne, il monte à 46 % en Grèce et 45 % en Moldavie.

Ces disparités soulignent les inégalités de richesse et de protection sociale au sein de l'Union européenne.
"L'ampleur de la précarité est directement liée à la capacité des États à mettre en place des politiques sociales efficaces"
, explique Thollot.

En Grèce, encore profondément marquée par la crise économique, près de la moitié de la population se retrouve en situation de précarité. En revanche, des pays comme l'Allemagne, qui disposent d'un filet social plus solide, parviennent à maintenir un taux de précarité plus bas.


Le Secours populaire insiste sur la nécessité d'une réponse collective, à l'échelle européenne, pour faire face à cette pauvreté croissante. Thollot conclut:


Si chaque État doit agir, il est aussi crucial que l'Union européenne prenne conscience de l'urgence sociale qui frappe ses citoyens et y réponde par des politiques adaptées.

Ainsi, qu'il s'agisse de privations alimentaires, de soins ou d'un accès limité aux droits numériques, la pauvreté est un mal qui dépasse les frontières françaises, touchant des millions d'Européens.


Malgré ce constat alarmant, Sébastien Thollot relève une note positive:
"Le baromètre fait également apparaître une volonté croissante des Français et des Européens de s'engager dans le bénévolat, signe que la solidarité reste une valeur forte dans notre société"
. Cependant,
"l'engagement citoyen ne doit pas être un palliatif et on ne doit pas faire de la délégation de services publics
", souligne le secrétaire national du Secours populaire.

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