France: Un système de santé en souffrance

14:1911/01/2023, mercredi
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@ JOEL SAGET / AFP
@ JOEL SAGET / AFP

Actuellement en France, environ 6 millions de Français -soit près d'une personne sur dix- n'ont pas accès à un médecin traitant.

Le Président français, Emmanuel Macron, a déploré, vendredi dernier, la situation de crise traversée par le système de santé de son pays et rappelé que 6 millions de Français -soit près d'une personne sur dix- n'ont pas accès à un médecin traitant.

Jeudi dernier, plusieurs milliers de médecins et soignants de l'Hexagone exprimaient leur colère, lors d'une manifestation à Paris, face à l'effondrement du système de santé.

Voici quelques chiffres qui dressent un tableau des tensions rencontrées dans le milieu de la santé en France.


Insuffisance des médecins


Dans un contexte - de long terme- de vieillissement de la population et -sur le plus court terme- de triple épidémie de Covid-19, de grippe et de bronchiolite, la France fait face à une série de pénuries, à commencer par celle des personnels de la santé.

La France comptait environ 220 000 médecins en 2022, selon les données de la direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (DREES)
, qui reconnaissait, elle-même, que ses données n'étaient pas mises à jour alors qu'une importante proportion de médecins prenait leur retraite.
Cela représente approximativement 338 médecins pour 100 000 habitants, ce qui classe la France 18e sur 19, parmi les pays de l'Union européenne (UE)
qui soumettent leurs données à Eurostat.

La médecine générale a, elle, perdu des plumes, passant en cinq ans de 153,4 à 149,5 médecins pour 100 000 habitants (-2,5% sur cinq ans), selon la DREES.

Dans son discours de vendredi dernier, Emmanuel Macron rappelait également qu'il y a
"presque la moitié des médecins aujourd'hui qui ont plus de 60 ans"
en France, évoquant, ainsi, la réduction à venir du nombre de médecins alors que ceux-ci prendront leur retraite d'ici à 2025.
Le chef d'État français indiquait qu'à cet horizon, il ne restera plus qu'environ 80 000 médecins généralistes en France, soit environ 119 médecins généralistes pour 100 000 habitants, faisant de la France, le mauvais élève du bloc européen. Emmanuel Macron ajoutait que les premiers effets de la fin du numerus clausus, qu'il a mis en place, ne seront pas visibles avant
"cinq à huit ans"
.

Le chef d'État français reconnaissait que, dans l'état actuel, près de six millions de Français n'ont pas accès à un médecin traitant.

Par ailleurs, l'accès à un spécialiste peut, selon la région et le type de spécialiste, prendre entre 1 mois et 24 mois, en France.


Insuffisance des autres personnels soignants


La France est également confrontée à une insuffisance des autres personnels soignants, notamment d'infirmières et d'internes.

Alors qu'au début de l'année 2020, la France disposait de près de 800 000 infirmiers, ce chiffre est passé à environ 640 000, deux ans plus tard, soit une perte de 80 000 infirmiers par an.

Les associations des personnels soignants indiquent que près de 180 000 infirmiers ont quitté la profession depuis la crise de la Covid-19, survenue en 2020, et que la France fait face à un déficit de 60 000 infirmiers, dans l'état actuel, pour répondre aux besoins des patients.

Du côté des internes hospitaliers, la situation est similaire. À l'hôpital, 7 internes sur 10 travaillent plus que le temps maximum légal de 48 heures par semaine, selon une étude réalisée en 2021 par « Opinion Way », pour le ministère de la Santé.

Selon cette étude, plus d'un interne sur deux (52 %) dit travailler
"plus de 51 heures"
par semaine.

D'autre part, l'écrasante majorité des internes travaillent plus que leurs huit demi-journées de service obligatoires, selon cette même étude. C'est le cas de 76 % des internes des urgences et 98 % des internes en chirurgie.

Un interne se suicide par semaine et un médecin tous les 18 jours
, selon les associations des professionnels de Santé, alors que le contexte sanitaire est extrêmement tendu depuis 2020, année de la déclaration en Europe de la pandémie de Covid-19.

Pour rappel, la France a comptabilisé près de 163 000 décès de la Covid-19 depuis 2020, selon Worldometers, dont 2700 décès au cours des 30 derniers jours.

Indépendamment de ces chiffres, 150 décès ont été comptabilisés, au cours du seul mois de décembre 2022, dans les services d'urgence français, faute d'accès des patients à des soins adaptés.


Pénuries de médicaments


Aux pénuries des personnels de santé s'ajoute également celle des médicaments.

Les Français ont rencontré des tensions et pénuries pour près de 3 000 médicaments en 2022, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cela représente environ 12 % des références de médicaments vendus dans l'Hexagone.

En 2018, soit avant la pandémie de coronavirus, 871 références étaient en tension ou en rupture de stock, selon la même source, avant que ce chiffre ne passe à 1 504 en 2019, 2 446 en 2020 dans le contexte de la pandémie de Covid-19, et régresse temporairement à 2160 en 2021 avant de remonter fortement en 2022.

Depuis plusieurs semaines, il est quasiment impossible de trouver du paracétamol ou de l'amoxicilline, dans leurs formes pédiatriques, dans la majorité des pharmacies françaises.
L'ANSM a expliqué cette pénurie par l’augmentation très importante de la consommation en antibiotiques, cet hiver, couplée à des difficultés sur les lignes de production industrielle. "
Lors de la pandémie de Covid-19, la demande en amoxicilline avait très fortement diminué, conduisant à une réduction, voire un arrêt de certaines lignes de production, qui n’ont pas retrouvé leur capacité de production d’avant la pandémie"
, selon l'ANSM.

En conséquence, l'agence a délivré une série de prescriptions à destination des médecins, les appelant à ne pas prescrire d'antibiotiques pour une infection d'origine virale, à limiter la prescription à cinq jours, voire à attendre l'absence d'amélioration pour une otite avant de prescrire l'antibiotique, ainsi qu'à destinations des pharmaciens, notamment à adapter le conditionnement pour une durée de traitement de cinq jours, et contacter le médecin en cas de doute.

Dans l'état actuel, outre le paracétamol et l'amoxicilline, les risques les plus importants pèsent davantage sur les sirops contre la toux, la ventoline, plusieurs antidiabétiques de type GLP-1, des antiépileptiques et des anticancéreux, ainsi que des médicaments contre les maladies cardiovasculaires, selon l'ANSM.

La violente vague de Covid-19 qui touche la Chine depuis l'assouplissement des mesures de restrictions sanitaires, début décembre, a également entraîné des pénuries de certains médicaments et traitements dans l'Empire du Milieu, notamment des médicaments contre la fièvre et la douleur.

Dans sa bataille pour répondre à la forte demande de médicaments à base de paracétamol et d'ibuprofène, la Chine a décidé d'augmenter sa production, d'interrompre l'exportation de ces médicaments et principes actifs, mais aussi d'acheter des médicaments à l’étranger, ce qui devrait renforcer les tensions en France et en Europe.

Face à la menace de pénurie renforcée et durable dans l'Hexagone, un grand nombre de professionnels français de la Santé ont appelé à la relocalisation de la production de médicaments et de leurs principes actifs en France, alors qu'environ 9 médicaments sur 10 consommés en France sont produits hors de l'UE, notamment en Chine et Inde.


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