Le procureur a démêlé l'imbroglio: ils se sont mis en file pour témoigner et divulguer les informations

07:3518/04/2025, vendredi
MAJ: 18/04/2025, vendredi
Ersin Çelik

En février dernier, j’avais relayé à deux reprises les propos d’un haut responsable du CHP. Tout ce qu’il avait prédit s’est finalement réalisé. Alors que les accusations de "congrès entaché d’irrégularités" faisaient encore débat à partir du seul témoignage d’un témoin, mon interlocuteur avait résumé, lors de notre longue conversation du 11 février 2025: "La moitié des délégués diront qu’il y a eu des irrégularités". "Les enfants de ces délégués travaillent dans les municipalités". "M. Özgür se

En février dernier, j’avais relayé à deux reprises les propos d’un haut responsable du CHP. Tout ce qu’il avait prédit s’est finalement réalisé. Alors que les accusations de "congrès entaché d’irrégularités" faisaient encore débat à partir du seul témoignage d’un témoin, mon interlocuteur avait résumé, lors de notre longue conversation du 11 février 2025:

  • "La moitié des délégués diront qu’il y a eu des irrégularités".
  • "Les enfants de ces délégués travaillent dans les municipalités".
  • "M. Özgür se débarrasse de M. Ekrem".
  • "Le congrès ne sera pas annulé".

Trois mois se sont écoulés depuis ces constats. Entre-temps, des développements majeurs ont relégué au second plan les soupçons autour du congrès. Des enquêtes pour corruption et terrorisme, centrées sur la municipalité métropolitaine d’Istanbul (İBB) et Ekrem İmamoğlu, ont été ouvertes. Le maire, ainsi qu’un grand nombre de ses collaborateurs, des employés de l’İBB et plusieurs hommes d’affaires, ont été arrêtés sous diverses accusations. Chaque jour, à toute heure, de nouvelles révélations et allégations graves font surface.


Parallèlement, l’enquête sur l’achat présumé de délégués lors du 38e congrès ordinaire du CHP, remporté par Özgür Özel face à Kemal Kılıçdaroğlu, s’est approfondie. Le parquet a recueilli les témoignages de nombreux nouveaux témoins. Des aveux ont également été enregistrés. Avant-hier et hier, Yeni Şafak a publié deux articles particulièrement marquants.


Selon un reportage signé Aybike Eroğlu, trois témoins clés, ayant directement assisté aux irrégularités du congrès, ont affirmé au procureur que de l’argent et des cartes de supermarché avaient été distribués à des délégués, que des signatures avaient été obtenues en échange d’avantages, et que certains noms avaient été orientés sous la menace de chantage.


L’ancien président du CHP pour la province de Bitlis lors du 37e mandat, Veysi Uyanık, a déclaré avoir été invité à Istanbul une semaine avant le congrès. Il affirme avoir participé à une réunion à l’hôtel CVK Park Bosphorus avec Ekrem İmamoğlu, le député CHP Özgür Karabat et le conseiller municipal CHP Metin Kaya. Lors de cet entretien, Il a avoué qu’Imamoğlu lui avait personnellement demandé de convaincre les délégués de Bitlis, ainsi que ceux des provinces de l’Est et du Sud-Est, de soutenir Özgür Özel. En échange, il a expliqué s’être rendu au Parlement (TBMM) pour rencontrer Özgür Karabat dans son bureau, dont il a livré les détails. "Je leur ai demandé clairement : 'Qu’allez-vous offrir aux délégués en échange de leur vote pour Özgür Özel ?' Karabat m’a alors remis un sac de transport contenant 100 000 livres turques, à distribuer aux délégués".

Un autre détail, révélé dans l’article d’avant-hier, montre que le résultat du 38e congrès a été modifié lors de la dernière soirée, dans un pavyon (un type de boîte de nuit) à Ankara. Yusuf Gögerkaya, président du CHP pour le district d'Uzundere à Erzurum, a déclaré au procureur chargé de l’enquête: "Un jour avant le congrès, nous sommes allés dans un pavyon à Ankara. Nous avons bu et nous sommes amusés. Vers 02h00, Serhat Can Eş (président du CHP pour la province d’Erzurum) nous a appelés dehors. Il a dit : 'Je dois prendre vos signatures et les envoyer quelque part.' Il a sorti de l’argent de sa poche et m’a tendu 1000 dollars. Je l’ai pris pour l’utiliser plus tard comme preuve. Je n’ai jamais utilisé cet argent".

L’information livrée par Yusuf Gögerkaya met aussi en cause les médias et les journalistes proches d’İmamoğlu. Gögerkaya affirme en effet que le document, dans lequel les autres délégués présents à ses côtés déclaraient leur soutien à Özgür Özel, a été publié seulement vingt minutes plus tard sur les réseaux sociaux du journaliste Şaban Sevinç.


Şaban Sevinç a effectivement publié ce document. Et pas n’importe comment: il l’a présenté comme une information de dernière minute: "Trois délégués du congrès de l'antenne CHP d’Erzurum ont retiré leur signature en faveur de Kemal Kılıçdaroğlu. Ces mêmes délégués avaient pourtant posé la veille en photo avec lui au siège du parti". Je détaille ces faits, car je veux en venir à un point précis.

L’une de mes sources affirme que ces publications instantanées de soutien, relayées par Şaban Sevinç et d'autres journalistes proches d'İmamoğlu, ont été utilisées comme un levier de pression sur les délégués et que cette stratégie s’est révélée efficace. Voici comment ce mécanisme d’influence aurait fonctionné: "Regardez, les délégués d’Erzurum ont retiré leur soutien à Kılıçdaroğlu. Demain, ils voteront pour Özgür Özel. En plus, ils vont en tirer un bénéfice financier. Il est clair que Kılıçdaroğlu va perdre. Si vous refusez, vous passerez à côté de l’argent proposé".

C’est tout à fait logique. On ignore si Şaban Sevinç et les autres journalistes étaient conscients du rôle qu’ils jouaient. Mais une chose est sûre: ils faisaient partie d’un réseau dans lequel les signatures arrachées contre de l’argent dans les payons leur parvenaient quasi instantanément.


Car tout s’est joué cette nuit-là. Rappelons les faits : 771 délégués avaient signé en faveur de la candidature de Kemal Kılıçdaroğlu. Pourtant, il n’a obtenu que 664 voix au premier tour. De son côté, Özgür Özel n’avait réuni que 600 signatures, mais a récolté 682 votes. C’est précisément cette nuit-là, dans les pavyons et les restaurants, que de nombreux délégués ont été "transférés" contre de l’argent. Autrement dit, en tant que délégués du CHP, ils ont littéralement transformé leurs votes en liquidités.

Passons à l'article signé Oğuzhan Ürüşan publié hier dans Yeni Şafak…


"Le bureau du procureur général d'Ankara a découvert qu’après le congrès, les proches de 124 délégués ont été employés dans des municipalités dirigées par le CHP. Des images ont également été retrouvées, montrant des bureaux de change utilisés pour distribuer de l’argent aux délégués. Les enregistrements montrent des sacs remplis de billets transportés".

En lisant le spot de l'article, je me suis dit: "Combien de personnes vont perdre le sommeil, combien d'autres encore vont devenir des témoins à charge ?" Car, lorsqu’il vivait à Muş, le procureur avait même identifié la sœur d'un délégué, embauchée à İSKİ après avoir échangé son vote en faveur du congrès contre un emploi.

Déjà, Ekrem İmamoğlu, le président du CHP d’Istanbul, Özgür Çelik, et certains journalistes ont commencé à être interrogés en tant que suspects. Certains seront interrogés pour leur rôle dans le trafic d'argent suspect, tandis que d'autres le seront pour avoir reçu l'argent distribué. Il y a trois mois, on critiquait le fait de mener une enquête basée uniquement sur les accusations d’une seule personne. Aujourd’hui, on parle de files d’attente pour les dépositions et les révélations. En d’autres termes, la marmite bouillante du CHP déverse maintenant ses tourments dans les couloirs des tribunaux.


Alors, que va-t-il se passer ? Le congrès où Özgür Özel a été élu pour la première fois sera-t-il annulé, et un administrateur judiciaire sera-t-il nommé au parti ? J'ai appelé ma source au CHP. D'abord, je l'ai félicité pour ses prévisions faites il y a trois mois. Nous avons à nouveau longuement discuté et il a fourni des analyses très frappantes. Il a demandé à ce qu’une grande partie de ses opinions ne soit pas publiée "pour le moment". Cependant, il a souligné qu'il était impossible de nommer un administrateur judiciaire au parti, et a ajouté: "Le CHP doit rapidement revenir à ses principes, à son terrain politique. L’enquête éliminera les responsables des irrégularités. C’est ce qui doit arriver. Özgür Özel se renforcera. Il deviendra un leader. Ekrem İmamoğlu sera oublié".

Quand le CHP passera-t-il de la politique de rue à celle des institutions, du boycott à l'agenda national, du chaos aux questions nationales ? Est-ce qu'Özgür Özel cessera de regarder dans les yeux des Britanniques pour lever la tête et se concentrer sur nos frontières, sur les possibles développements en Syrie ? Je n'en suis pas certain. Cependant, comme l’a dit ma source de haut niveau au CHP, le parti doit désormais revenir à ses principes fondamentaux.


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