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Gaz: la "pause" de l'administration Biden jette un froid pour l'horizon 2030 en Europe

La décision de Joe Biden de retarder les nouveaux projets d'infrastructures gazières au nom de la "menace" climatique n'aura pas d'effet à court terme pour l'Europe, accro au gaz américain depuis la guerre en Ukraine, mais pourrait avoir des effets dans la prochaine décennie.

La rédaction
11:37 - 31/01/2024 mercredi
MAJ: 11:51 - 31/01/2024 mercredi
AFP
Le président des États-Unis, Joe Biden.
Crédit Photo : ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP
Le président des États-Unis, Joe Biden.
Applaudi comme une
"victoire"
par les ONG anti-énergies fossiles, le plan a été accueilli froidement par une industrie gazière en pleine euphorie.

Eurogas, une association de 77 acteurs européens du gaz, avait déjà exhorté récemment Washington à éviter une
"interdiction ou limitation inutile"
de nouvelles infrastructures d'exportations maritimes de GNL (gaz à l'état liquide) aux États-Unis.

Eurogas s'alarmait:


Cela risquerait d'accroître et de prolonger le déséquilibre de l'offre au niveau mondial.

Les craintes du secteur se sont confirmées vendredi avec l'annonce du président Joe Biden en campagne électorale de geler aux États-Unis les autorisations de nouveaux terminaux méthaniers, au nom de
"la crise climatique, une menace existentielle".

Les États-Unis comptent sept terminaux d'exportation de GNL, la plupart au Texas, pour une capacité totale de 328 millions de mètres cubes par jour. À ceux-ci s'ajoutent cinq autres qui ont été autorisés et sont en cours de construction. Au total, 22 nouveaux sites ont été choisis, selon S&P Global Commodity Insights.

Parmi eux, quatre dossiers en cours d'examen par le Department of Energy (DOE) sont concernés par la suspension.


Dopés par le boom du gaz de schiste, les États-Unis sont devenus le 1er exportateur mondial de GNL, devant le Qatar et l'Australie, fournissant à eux seuls 80% de l'offre supplémentaire en 2023, selon l'Agence internationale de l'énergie.

Les États-Unis ont augmenté leur part dans les importations européennes de 43% en 2022 à 47% en 2023, devenant leur premier fournisseur de GNL.


Désormais aucun nouveau permis d'exportation ne sera délivré aux États-Unis avant que le DOE n'ait actualisé son analyse de chaque projet. Pour Washington, il s'agit de
"mieux comprendre les besoins du marché, la demande et l'offre à long terme, ainsi que les facteurs environnementaux".

De quoi susciter de nouvelles questions sur l'approvisionnement en Europe, sous tension depuis la guerre en Ukraine en février 2022 et la décision de Moscou de couper ses livraisons de gaz par pipelines.


Le charbon gagnant?


À Bruxelles, la Commission européenne tient à rassurer, en soulignant que ce moratoire est
"sans incidence sur les projets d'exportation déjà approuvés"
et donc
"sans incidence à court ou moyen terme sur la sécurité de l'approvisionnement de l'UE",
a indiqué à l'AFP Tim McPhie, porte-parole pour l'énergie et le climat.

Le marché devrait aussi voir arriver à partir de 2026
"une vague de nouveaux projets d'approvisionnement"
déjà lancés par les États-Unis et le Qatar, observe Ben Cahill, chercheur au Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS).

À plus long terme, c'est plus incertain. Il ajoute:


Cette question concerne en fait ce qui se passera après, car les nouveaux projets de GNL américains viseraient à répondre à la demande attendue dans les années 2030 et 2040.

"Cette pause aura des implications à plus long terme, compte tenu de la croissance de la demande de GNL au-delà de 2030"
en Europe et surtout en Asie, le
"principal pôle d'attraction"
, affirme Ademiju Allen, analyste au cabinet Rystad Energy, qui n'exclut pas alors
"une hausse des prix"
sur des indices mondiaux.

Avant le moratoire, Rystad estimait qu'au rythme actuel les États-Unis auraient pu voir leur part de marché mondiale passer de 21% en 2023 à 30% en 2030.

Si la pause devait se prolonger, cela profiterait alors
"à d'autres fournisseurs de GNL comme le Qatar"
, observe Simone Tagliapietra, chercheur à l'institut bruxellois Bruegel. Selon Rystad:

Le Mexique, le Canada, le Mozambique et potentiellement la Russie pourraient augmenter leur part de marché au-delà des prévisions actuelles.

Présenté par les acteurs du secteur comme une énergie de
"transition"
, moins nocive que le charbon et le pétrole, le gaz reste contesté en raison de ses fuites de méthane, puissant gaz à effet de serre réchauffant le climat. Pour Rystad,
"le limiter (...) pourrait ralentir le rythme de la transition"
, au profit du charbon.

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