|

Après les législatives, la France "en terre inconnue" faute de culture de la coalition gouvernementale

Habitués à disposer d'une majorité à l'Assemblée, que favorise le mode de scrutin en France, les trois blocs arrivés en tête des dernières législatives, peu rompus à l'exercice de la coalition, sont embourbés dans des négociations post-électorales.

10:27 - 13/07/2024 Saturday
MAJ: 09:26 - 13/07/2024 Saturday
AFP
Cette photographie montre l'écran d'un téléphone portable affichant les premiers résultats lors de la soirée électorale du second tour des élections législatives à Paris, le 7 juillet 2024.
Crédit Photo : Ludovic MARIN / AFP
Cette photographie montre l'écran d'un téléphone portable affichant les premiers résultats lors de la soirée électorale du second tour des élections législatives à Paris, le 7 juillet 2024.

L'Assemblée, qui compte 577 sièges, est désormais principalement divisée entre l'alliance de gauche (Nouveau Front Populaire, NFP - 190 à 195 sièges), suivie par le camp présidentiel de centre droit (autour de 160 sièges), et l'extrême droite et ses alliés (143 sièges).


Or un gouvernement devra recueillir le soutien d'au moins 289 députés, sous peine d'être rapidement renversé.

Cette situation est le fruit du
"front républicain"
mis en place au second tour des législatives, alors que l'extrême droite paraissait proche de prendre le pouvoir. Plus de 200 candidats macronistes et de gauche se sont désistés en faveur du mieux placé pour faire barrage à l'extrême droite. Une stratégie qui a fonctionné, à la surprise générale.

"Les électeurs ont dit pour partie ce qu'ils voulaient, et pour partie ce dont ils ne voulaient pas"
, observe Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de l'institut de sondage Harris Interactive. Mais au final, cela
"ne donne pas de mandat"
à quiconque, dit-il.

Arrivé en tête, le NFP, alliance des partis socialiste, communiste, écologiste et de la France insoumise (LFI, gauche radicale) veut désormais gouverner. Mais il ne dispose pas d'assez de sièges.

Et en son sein figure LFI, parti accusé de flirter avec l'antisémitisme dans sa défense de la cause palestinienne après l'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier. Son dirigeant, le ténor controversé Jean-Luc Mélenchon, fait pour beaucoup, même à gauche, figure de repoussoir.


'Terre inconnue'


Les élections législatives sont traditionnellement organisées en France dans le prolongement des présidentielles, afin que les électeurs accordent au nouveau chef de l'Etat une majorité claire.


Et contrairement à d'autres pays européens comme l'Allemagne, l'Espagne ou l'Italie, qui ont recours à des formes de scrutin proportionnel, permettant à leur parlement d'être composé de multiples tendances, la chambre basse française est élue au scrutin majoritaire à deux tours.

Dans chaque circonscription, le candidat ayant obtenu le plus de voix au second tour est élu, ce qui, avant l'émergence des centristes de M. Macron et l'explosion du vote d'extrême droite, a longtemps favorisé une scène politique composée de deux blocs : droite et gauche.


"En France, on n'a pas l'habitude de faire de coalition. Dans quasiment tous les pays on sait faire. Nous non"
, explique Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman, pour qui la France entre ces jours-ci
"en terre inconnue"
faute de disposer du bon
"logiciel"
politique.

"Il faut sortir un petit peu des postures, des zones de confort, des couloirs idéologiques pour essayer de dire: les Français ont voulu ça, qu'est-ce qu'on peut faire pour leur donner satisfaction ?"
, explique-t-elle.

Les enquêtes d'opinion publiées cette semaine ne permettent pas d'éclaircir la situation. Un sondage de l'institut Elabe montrait ainsi qu'aucune des principales hypothèses de gouvernement (gauche seule, coalition gauche/centre-droit, ou alliance centre/gauche/droite) ne parvenait à convaincre une majorité des répondants.

Un autre sondage, de l'institut Odoxa, indiquait même que seuls 43% des Français étaient en faveur d'une coalition, quand toute alternative est impossible.


'Esprit français'


Les partis semblent aux abois, leur leaders s'employant davantage à éliminer de potentiels partenaires qu'à rechercher un terrain commun. Les programmes politiques ont été peu abordés.


Mercredi, Emmanuel Macron, qui a provoqué ces législatives en dissolvant l'Assemblée le 9 juin, soir d'une déroute de son parti aux européennes, demandait aux
"forces politiques républicaines"
de
"bâtir une majorité solide".

Vendredi, le président français déplorait le
"spectacle désastreux"
donné par son propre camp, qui peine à s'unir derrière son chef de gouvernement Gabriel Attal.

A gauche, LFI et socialistes n'arrivent pas à s'accorder sur un éventuel futur Premier ministre. A droite, Les Républicains - dont la quarantaine de sièges à l'Assemblée pourrait faire d'eux des faiseurs de rois - ont dit ne vouloir
"ni coalition, ni compromission".

"Les partis politiques raisonnent dans leurs têtes comme si on était toujours dans le système antérieur"
, analyse Olivier Beaud, professeur de droit public à l'Université Paris-Panthéon-Assas.

Du point de vue des moeurs politiques, il va falloir des changements très rapides de l'esprit français.

La présidentielle de 2027 se profile, et la cheffe de l'extrême droite Marine Le Pen pourrait profiter du tumulte actuel pour accéder à l'Elysée.


En Italie, une profonde crise politique avait amené en 2021 l'ex-président de la Banque centrale européenne Mario Draghi à former un gouvernement d'union nationale. Moins de deux ans plus tard, la leader d'extrême droite Giorgia Meloni parvenait au pouvoir.


À lire également:



#France
#Politique
#législatives
1 month ago