Imamoglu : le faux martyr du vrai système

07:0526/03/2025, mercredi
MAJ: 26/03/2025, mercredi
Yasin Aktay

L’arrestation d’Ekrem Imamoglu pour des accusations de corruption et de détournement de fonds, ainsi que sa destitution de la mairie d’Istanbul, ne pouvait évidemment pas passer inaperçue. Mais on aurait pu s’attendre à ce que l’agitation porte davantage sur l’ampleur des faits de corruption, de clientélisme, et d’organisation mafieuse visés par la justice. Imamoglu n’est pas un cadre issu des rangs du CHP, ni un homme qui a gravi les échelons naturellement dans le parti. En réalité, il a d’abord

L’arrestation d’Ekrem Imamoglu pour des accusations de corruption et de détournement de fonds, ainsi que sa destitution de la mairie d’Istanbul, ne pouvait évidemment pas passer inaperçue. Mais on aurait pu s’attendre à ce que l’agitation porte davantage sur l’ampleur des faits de corruption, de clientélisme, et d’organisation mafieuse visés par la justice.


Imamoglu n’est pas un cadre issu des rangs du CHP, ni un homme qui a gravi les échelons naturellement dans le parti. En réalité, il a d’abord tenté d’entrer en politique par l’AKP, sans succès. Ensuite, par des moyens discutables – à l’image de la manière dont il a obtenu son diplôme – il s’est "acheté" une place au sein du CHP. Une fois cette place acquise, il a rapidement étendu son influence, en usant d’une méthode politique agressive et presque impérialiste. À chaque étape de son ascension, l’argent a été central, quitte à piétiner les principes du parti, à le transformer, le détourner, le vider de son sens.

Ce parcours, en lui-même, est un révélateur de ce que le CHP est devenu : un parti prétendument fondateur de la République, désormais méconnaissable dans sa compromission avec un tel personnage.

Depuis la mairie de Beylikdüzü jusqu’à celle d’Istanbul, Imamoglu a mis en place une conception politique singulière : utiliser les fonctions électives pour contrôler l’argent public, et à travers lui, contrôler le parti, puis le pays. Il ne propose ni idéologie, ni principe, ni vision, ni projets concrets. Juste une logique de partage de pouvoir et de ressources. Une politique vue non comme un service, mais comme une manne à se répartir.

Or une telle approche ne peut satisfaire personne. Et ce type de système finit inévitablement par imploser. Si ce n’est pas par la justice, ce sera par la révolte de ceux qui ne sont pas satisfaits du partage. Et c’est exactement ce qui s’est produit ici. Il est désormais clair que les enquêtes pour corruption visant Imamoglu et plusieurs maires d’arrondissement n’ont pas été lancées par la police ou la justice de leur propre initiative, mais bien à la suite de plaintes ou de dénonciations venues de proches du CHP lui-même : collaborateurs, associés, cadres du parti.

Cela mérite d’être souligné. Soit il s’agit d’une résistance interne à la tentative d’Imamoglu de transformer le CHP en son propre outil politique, soit d’une révolte contre le partage inéquitable du pouvoir. Dans les deux cas, l’affaire relève avant tout d’un conflit interne au sein du CHP. Le fait que la justice poursuive l’enquête dans un contexte aussi politisé soulève d’autres pressions, bien sûr. Mais critiquer la justice pour avoir osé ouvrir un dossier de corruption est pour le moins curieux.

Si cette affaire représente une opportunité de sauver le CHP d’une dérive interne, alors pourquoi tant de bruit de la part de ses membres ? Pourquoi, depuis plusieurs jours à Saraçhane, les militants accusent-ils le gouvernement, et plus précisément Erdoğan, transformant l’affaire en duel personnel ? Pourquoi tous les groupuscules d’extrême gauche paradent-ils au nom d’un maire arrêté pour corruption ?


La réponse est claire : ces groupuscules n’ont ni la radicalité, ni la légitimité qu’ils revendiquent. Lors des événements de Gezi, les représentants du capital financier brandissaient des pancartes "Nous sommes des casseurs !" aux côtés des mêmes groupuscules, contre un gouvernement pourtant connu pour ses politiques sociales. Leur présence révélait déjà l’incohérence totale de leur discours. Aujourd’hui encore, ils se comportent comme ce qu’ils sont : des parasites.

Les premières plaintes contre Imamoglu venaient du CHP. Mais maintenant que les choses s’accélèrent, ce sont parfois ces mêmes personnes qui dénoncent une "opération politique d’Erdogan". Que veulent-elles réellement ?

Derrière ces protestations, on retrouve un argument implicite mais troublant : la banalisation de la corruption. Beaucoup semblent dire : "Et alors ? Tout le monde le fait, même le pouvoir." Ce qui est frappant, c’est que personne ne nie les faits. Personne ne dit "Il est innocent", mais simplement "Il n’est pas le seul."

Un autre mécanisme bien connu est à l’œuvre : dans certaines mouvances radicales, il arrive que l’on sacrifie un de ses militants devenus gênants, pour ensuite en faire une figure martyre. Imamoglu, devenu un obstacle pour le CHP et un risque pour son avenir, serait sacrifié dans une mise en scène qui le transformerait en héros d’opposition. Son absence devient alors un outil politique pour attaquer Erdoğan.

Imamoglu est en quelque sorte un "bouc émissaire" sacrifié par des factions plus stratégiques du CHP, qui espèrent s’imposer à sa place, ou se rapprocher du pouvoir. Voilà la réalité. Mais bien sûr, pendant longtemps encore, on tentera de nous vendre l’histoire selon laquelle "Erdoğan a écarté son principal rival".

Quelle farce.
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