La signification de l'accent mis par Erdogan sur Gaza dans son discours à l'ONU

10:5027/09/2024, الجمعة
Kadir Üstün

Le fait que le président Erdogan ait consacré une partie importante de son discours à Gaza témoigne non seulement de l'importance de la question palestinienne pour la Türkiye, mais aussi de son rôle central pour la paix régionale et la gouvernance mondiale. Il est important de réitérer l'appel d'Erdogan à la clarté morale et à l'action sur cette question, qui a également figuré en bonne place dans ses précédents discours à l'ONU. Le fait que l'ONU, qui a été créée pour garantir la paix et la sécurité

Le fait que le président Erdogan ait consacré une partie importante de son discours à Gaza témoigne non seulement de l'importance de la question palestinienne pour la Türkiye, mais aussi de son rôle central pour la paix régionale et la gouvernance mondiale. Il est important de réitérer l'appel d'Erdogan à la clarté morale et à l'action sur cette question, qui a également figuré en bonne place dans ses précédents discours à l'ONU. Le fait que l'ONU, qui a été créée pour garantir la paix et la sécurité internationales, soit incapable de traiter la question palestinienne en raison de problèmes structurels qui n'ont pas pu surmonter la lutte des grandes puissances, est l'exemple le plus clair de la crise de l'ordre international. L'insistance de la Türkiye à maintenir la question palestinienne à l'ordre du jour est d'une importance cruciale en termes d'intérêts nationaux, d'équilibres régionaux et d'avenir du système international.


POURQUOI LA TÜRKIYE S'INTÉRESSE-T-ELLE À LA QUESTION PALESTINIENNE ?


À New York, où j'ai assisté à une table ronde organisée à la suite de l'Assemblée générale des Nations unies, on m'a posé une question qui est également posée de temps à autre à Washington. En bref, la réponse à la question "Pourquoi la Türkiye se préoccupe-t-elle tant de la Palestine" est très simple pour l'opinion publique turque. Bien qu'elle ait été l'un des premiers pays à reconnaître la création d'Israël, la Türkiye a toujours été sensible à la question palestinienne. Il ne serait pas faux de la définir comme l'une des questions qui unit le pays au-delà des différences idéologiques et politiques. Quiconque suit la politique du pays sait que la politique intérieure de la Türkiye ne peut défendre la thèse du non soutien à la Palestine ou de l'ignorance de l'occupation.


Au-delà de la sensibilité nationale de la Türkiye sur la question palestinienne, nous pouvons dire qu'il est contraire aux intérêts de la Türkiye que l'approfondissement de l'occupation israélienne et l'intensification des politiques de nettoyage ethnique augmentent l'instabilité régionale. Depuis de nombreuses années, le blocage des pourparlers de paix israélo-palestiniens et l'expansion de l'occupation par l'autorisation de nouvelles colonies ont détruit l'intégrité territoriale de la Palestine. La présentation par le président Erdogan de cartes frappantes sur cette question à l'Assemblée générale des Nations unies est encore fraîche dans les mémoires. Le fait qu'Israël non seulement approfondisse l'occupation mais aussi établisse un système politique basé sur la discrimination interne empêche la normalisation de ses relations avec le monde arabe.


L'acceptation ultérieure par l'opinion publique occidentale de la thèse selon laquelle il n'y avait pas de partenaire désireux de faire la paix du côté palestinien a signifié l'expansion de l'occupation et la perte continue de territoires palestiniens. Ce processus a empêché Israël de devenir un pays normal dans la région et a entraîné la poursuite d'une guerre régionale de faible intensité avec l'Iran. L'échec de la création d'un État palestinien souverain a eu un effet déstabilisateur et conflictuel sur le Moyen-Orient et le monde islamique. Cette image a continué à nuire aux intérêts d'un pays comme la Türkiye, qui prospère mieux dans un environnement de paix et de stabilité. Lorsque la sensibilité nationale requise par la politique intérieure est combinée au fait que les conflits régionaux nuisent aux intérêts de la Türkiye, on comprend mieux pourquoi la Türkiye se préoccupe de cette question.


CRISE DU SYSTÈME INTERNATIONAL


La crise de Gaza a une fois de plus démontré que les Nations unies n'ont pas réussi à empêcher Israël d'enfreindre les principes énoncés dans son traité fondateur. La question de Gaza, qui a clairement démontré que la crise du système international a atteint un point ingérable, nous a rappelé la nécessité urgente de réformer le système des Nations unies. Avec l'invasion de l'Ukraine, on ne peut pas dire que la politique de l'Occident consistant à obtenir des résultats en isolant la Russie au lieu de passer par l'ONU ait été couronnée de succès. Bien que les États-Unis, sous la direction de Biden, aient réussi à revitaliser l'OTAN en soutenant l'Ukraine, leur incapacité à produire une politique qui apportera la paix a rendu l'ONU encore moins pertinente. Nous avons assisté à la fin d'une période où de grandes puissances telles que les États-Unis, la Russie et la Chine étaient en mesure de négocier et de prendre des décisions cruciales au sein du Conseil de sécurité de l'ONU.


Le système international a connu un tournant lorsque, après le 11 septembre, les États-Unis se sont lancés dans la lutte contre le terrorisme, non pas pour restaurer l'ordre juridique international représenté par l'ONU, mais pour former une "coalition de volontaires". Washington signalait aux autres pays que l'ONU n'était pas la première adresse en matière de guerre et de paix. Pendant le printemps arabe, l'administration Obama a réussi à faire passer l'intervention en Libye par le Conseil de sécurité des Nations unies, mais n'a pas réussi à gérer la réaction russe contre cette intervention. Il en est résulté un Conseil de sécurité qui ne pouvait agir que si les grandes puissances le souhaitaient et négociaient entre elles.


Cette situation, qui a érodé la confiance des États membres dans l'ONU, a montré la nécessité de réformer ce système de gouvernance internationale, qui ne peut prendre de décisions importantes sans l'influence des grandes puissances. Parmi les propositions de réforme discutées ces jours-ci, on trouve des propositions visant à réviser le traité fondateur de l'ONU, à élargir le Conseil de sécurité de l'ONU au-delà des cinq membres et, peut-être plus important encore, à permettre de surmonter le droit de veto. Il sera difficile et long pour les grandes puissances d'accepter ces changements. À court terme, il est peu probable que ces réformes changent la donne sur la question palestinienne. Néanmoins, nous pouvons dire que la Türkiye tente de transformer la crise du système international en une opportunité d'établir un ordre plus égalitaire.

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